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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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M. Dunwoodie a pris une liberté qui excède les droits que la parenté pouvait lui donner, en faisant de la maison de mon père un hôpital pour les blessés.
    – Nous devons remercier le ciel, dit Frances en baissant la voix, de ce qu’il ne s’en trouve parmi eux aucun qui doive nous inspirer plus d’intérêt.
    – Votre frère en est un, dit Sara d’un ton de reproche.
    – C’est la vérité, répondit Frances en rougissant et en baissant les yeux ; mais il n’est pas obligé de garder la chambre, et il ne regrette pas une blessure qui lui procure le plaisir de rester avec ses parents. Si l’on pouvait bannir les terribles soupçons auxquels sa visite a donné lieu, je songerais à peine à sa blessure.
    – Tels sont les fruits de la rébellion, dit Sara en marchant avec plus de vitesse, et vous commencez à les goûter : un frère blessé, prisonnier, peut-être victime ; un père désolé, obligé de recevoir chez lui des étrangers, et dont les biens seront probablement confisqués à cause de sa fidélité pour son roi. Frances continua sa promenade en silence. Lorsqu’elle arrivait au bout de la terrasse du côté du nord, ses yeux ne manquaient jamais de s’arrêter sur le point où la route était cachée à la vue par une montagne, et à chaque tour qu’elle y faisait avec sa sœur, elle s’arrêtait dans cet endroit jusqu’à ce qu’un mouvement d’impatience de Sara l’obligeât à prendre le même pas. Enfin on vit une chaise attelée d’un seul cheval s’avancer avec précaution à travers les pierres qui étaient éparses le long de la route conduisant aux Sauterelles à travers la vallée. Frances perdit l’éclat de ses belles couleurs à mesure que cette voiture approchait, et lorsqu’elle put y distinguer une femme assise à côté d’un nègre en livrée qui tenait les rênes, ses membres tremblèrent d’une agitation qui l’obligea à s’appuyer sur le bras de sa sœur pour pouvoir se soutenir. Au bout de quelques minutes les voyageurs arrivèrent à la porte, qui fut ouverte par un dragon : celui-ci avait été le messager envoyé de Dunwoodie au colonel Singleton, et avait escorté la voiture. Miss Peyton s’avança pour recevoir l’étrangère, et ses deux nièces s’unirent à elle pour lui faire le meilleur accueil. Les yeux curieux de Frances étudiaient la physionomie de la sœur du capitaine blessé, et ne pouvaient s’en détacher. Elle était jeune, avait la taille svelte et l’air délicat, mais c’était dans ses yeux qu’existait le plus puissant de ses charmes ; ils étaient grands, noirs, perçants et quelquefois un peu égarés. Ses cheveux longs et épais n’étaient pas couverts de poudre, quoique ce fût encore la mode d’en porter, et étaient aussi noirs et plus brillants que l’aile du corbeau. Quelques boucles tombant sur sa joue en relevaient encore la blancheur, et ce contraste donnait à son visage l’air glacial du marbre. Le docteur Sitgreaves l’aida à descendre de voiture, et quand elle fut sur la terrasse, elle fixa ses yeux expressifs sur ceux du chirurgien, sans lui dire un seul mot ; mais ce regard exprimait suffisamment ce qu’elle voulait dire, et le docteur y répondit sur-le-champ.
    – Votre frère est hors de danger, miss Singleton, lui dit-il, et il désire vous voir.
    Elle joignit les mains avec ferveur, leva ses yeux noirs vers le ciel ; une légère rougeur semblable à la dernière teinte réfléchie du soleil couchant se peignit sur ses traits, et elle céda à sa sensibilité en versant un torrent de larmes. Frances avait contemplé les traits d’Isabelle et en avait suivi tous les mouvements avec une sorte d’admiration inquiète ; mais en ce moment elle courut à elle avec toute l’ardeur d’une sœur, et lui passant un bras sous le sien, elle l’entraîna dans un appartement séparé. Elle montrait en agissant ainsi tant d’empressement, de délicatesse et d’ingénuité, que miss Peyton elle-même jugea à propos d’abandonner miss Singleton aux soins de sa bonne nièce, et se borna à suivre des yeux avec un sourire de complaisance les jeunes personnes qui se retiraient. Isabelle céda à la douce violence de Frances, et étant arrivée dans la chambre où celle-ci la conduisit, elle pleura en silence, la tête appuyée sur l’épaule de sa campagne qui l’observait avec attention, tout en cherchant à la consoler. Frances pensa enfin que les larmes de miss Singleton coulaient

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