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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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discret possible. Mal lui en prit, car après quelques minutes il entendit derrière lui:
    â€” Mais je vous reconnais!
    L’avocat se retourna lentement pour se retrouver face à face avec André Blanchet, le jeune interne boutonneux avec qui il avait eu maille à partir devant l’entrée de l’Hôtel-Dieu.
    â€” Pardon, articula-t-il, hésitant. Vous me connaissez?
    â€” Bien sûr. Le professeur Daigle, l’ami des Juifs. Avec votre déguisement, j’ai eu un peu de mal à vous replacer, mais maintenant, au son de votre voix, impossible de me tromper.
    Son accoutrement lui permettait de passer pour un travailleur aux yeux d’inconnus, sans le rendre méconnaissable toutefois. Blanchet se trouvait avec quelques camarades de son âge, tous vêtus d’une blouse blanche. Sans doute l’étudiant travaillait-il dans un hôtel de la région la fin de semaine, pour assurer sa subsistance, car son statut d’interne ne devait pas lui permettre de regarnir ses goussets.
    â€” Vous savez qui est cet homme, venu vous espionner? s’exclama-t-il à haute voix pour que tous les témoins entendent. Renaud Daigle. Celui qui a défendu Cohen, il y a quelques semaines.
    Le regard de l’avocat allait des chemises noires au jeune interne, qui retrouvait toute la colère que lui avait inspirée son intervention, quelques semaines plus tôt. Visiblement, l’occasion de régler ses comptes le réjouissait. Il faisait mine d’enlever sa veste tout en continuant:
    â€” Cette fois, nous viderons la question, et je ne doute pas que les camarades se fassent un plaisir de vous dire ce qu’ils pensent des amis des Juifs.
    Derrière leur table, les chemises noires se consultaient des yeux, certains hommes amorçaient le geste de se lever en s’assouplissant les jointures. Renaud jeta un coup d’œil vers l’arrière. La porte se trouvait tout au fond, jamais il ne l’atteindrait avant qu’on lui mette la main dessus.
    â€” Pas de ça ici, clama une voix un peu plus loin.
    Alfred Côté s’avançait, autoritaire. Il ordonna à ses militants:
    â€” Vous autres, vous avez un travail à effectuer. Continuez.
    Les chemises noires reprirent leur chaise, plongèrent le nez dans la documentation posée devant eux, cherchèrent des badauds susceptibles de vouloir se détourner d’une bagarre pour revenir à leur littérature.
    â€” Mais ce type, c’est Renaud Daigle. Il défend les Israélites.
    â€” Nous tenons une activité politique. Tout le monde est bienvenu, même les Juifs, ou leurs amis…
    â€” Si vous êtes trop lâche, je m’en occuperai…
    Ces mots valurent à l’interne un regard mauvais. Il comprit son erreur, déglutit.
    â€” S’il y a une bagarre ici, je la commencerai moi-même, et je la terminerai, croyez-moi, menaça Côté. Le Conseil municipal nous a chargés de maintenir l’ordre. Si vous ne vous calmez pas immédiatement, je vais vous sortir d’ici.
    Le ton ne tolérait aucun commentaire. André Blanchet consulta ses amis du regard, constata qu’aucun d’entre eux ne risquerait de recevoir un mauvais coup pour venir à son aide.
    â€” Si notre cause vous intéresse, continua la chemise noire plus amène, suivez-moi, je vous expliquerai comment devenir membre. Et si ce monsieur se trouve vraiment là pour espionner, il découvrira sans doute un taxi pour retourner chez lui.
    Il y en a près de la station.
    Renaud ne se le fit pas dire deux fois et sortit de la salle paroissiale. Pendant tout le trajet jusqu’à la gare, il eut la vague impression d’être poursuivi. Sa crainte s’estompa quand une grosse Chevrolet conduite par un homme jovial le ramena à Sainte-Agathe. 

16
    â€” Comme cela, ton petit interne favori profite aussi du bon air des Laurentides.
    Ã€ son retour à la maison, le premier soin de Renaud avait été de prendre un bain chaud. Virginie était venue le rejoindre et, assise sur la chaise placée près de la baignoire, elle avait écouté son récit des événements.
    â€” Oui. Les internes touchent une rémunération plutôt symbolique. Je suppose qu’un emploi dans un hôtel de la région l’aide à faire face à ses obligations. Plusieurs étudiants finissent leur séjour

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