L'Eté de 1939 avant l'orage
lâUnité nationale à la fin de la soirée. Dans les minutes qui suivirent, Adrien Arcand devint plus précis encore dans ses accusations, rappelant lâemplacement des colonies de vacances, des synagogues, désignant des notables Canadiens français qui avaient vendu leur propriété à des Juifs. Aussi lâavocat entendit nommer son voisin Bielfeld.
â Surtout, enchaînait Arcand, ne vous laissez pas tromper par les Israélites. Si vous grattez un peu le nom dâun Anglais, vous trouverez peut-être un métèque. Par exemple, des Green sont en réalité des Greenberg ou des Grunwald, des Cowan sont des Cohen, des Rose sont des Rosenberg ou des Rosenzweig. La loi devrait les forcer à ne pas se cacher sous un faux nom, pour que nous sachions qui éviter. Certains apprennent notre langue, mais ce nâest que pour obtenir notre argent. Un Juif ne sâassimile jamais, il demeure un Juif sous ses différents déguisements, sans jamais se détourner de son but ultime: vous asservir.
Un peu plus tard, Adrien Arcand terminait son discours pour inviter le docteur Lalonde à lui succéder sur lâestrade.
Autant le premier orateur ne ménageait pas les efforts pour paraître près du peuple, autant le médecin, vêtu dâun costume de lin blanc, se donnait des airs vaguement aristocratiques.
â Notre Pontifex Maximus vient de vous présenter le problème: ces Israélites qui, à peine débarqués au Canada, accaparent les meilleures places, achètent les plus belles demeures. Les solutions sont faciles à mettre en Åuvre. Nous nâavons quâà regarder du côté de lâAllemagne pour trouver notre inspiration. Les Juifs prennent les excellents emplois?
Nous pouvons leur interdire de pratiquer la médecine ou le droit. Ils réduisent les commerçants chrétiens à la faillite?
Nous nâavons quâà les empêcher de posséder des maisons dâaffaires. Ou encore, les forcer au dépôt de bilan en cessant dâaller chez eux. Ils menacent de sâapproprier tout notre patrimoine? Il ne faudrait quâune petite réglementation pour leur défendre de détenir des biens immobiliers. Toutes les lois que je viens dâévoquer, Adolf Hitler les a adoptées dans le grand Reich allemand. Bien sûr, nos politiciens se révèlent des lâches achetés par les Juifs. Aussi laissez tomber les vieilles prostituées des partis traditionnels pour appuyer le Parti de lâUnité nationale. Avec un vrai chef à votre tête, ce sera la fin de la dictature de la juiverie internationale, des trusts quâils dirigent. Comme en Allemagne, nous connaîtrons lâéradication du chômage et de la misère.
Pendant de longues minutes, le médecin poussa encore plus loin sa revue des lois racistes de Nuremberg, allant de la prohibition des mariages entre les Aryens et les Juifs à lâinterdiction pour ces derniers dâoccuper un poste dans la fonction publique ou lâenseignement. Après une heure, lâAllemagne prenait aux yeux des auditeurs lâallure dâun paradis du plein-emploi où chaque travailleur avait accès à la voiture du peuple, la Volkswagen!
Dans un épais brouillard de fumée de cigarette, les personnes présentes hochaient la tête, échangeaient des murmures approbateurs. Alors que depuis dix ans ils subissaient la misère à cause de la crise, les solutions se trouvaient à portée de main, toutes simples. Il ne manquait quâun chef assez courageux pour les mettre en application.
à vingt-deux heures, après deux autres discours, la soirée prit fin. Ou plutôt, si la moitié des spectateurs sâégaillaient dans la nuit, les autres sâattardaient auprès des tables sur lesquelles on avait disposé les journaux et les brochures du Parti de lâUnité nationale. Toutes les personnes vêtues dâune chemise noire devaient faire mousser la vente, convaincre ces curieux de payer leur cotisation afin de joindre lâorganisation nazie. Alfred Côté ne pouvait échapper à cette corvée.
Renaud aurait mieux fait de regagner la Ford, garée à lâextrémité du village. Plutôt, inquisiteur, il circulait parmi les badauds, écoutait les conversations entre ces hommes et les chemises noires en se faisant le plus
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