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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pas. Je suis plutôt heureuse que Fran ait trouvé quelqu’un de son âge avec qui jouer. De mon côté, je me demandais si ma Fran ne dérangeait pas votre mari dans son travail.
    â€” Je pense que c’est tout à fait le contraire. Au lieu de devoir occuper Nadja à lui seul, il profite d’un répit.
    La grande rousse adressa un sourire à sa voisine, comme pour appuyer sa conviction que les hommes ne s’y entendaient pas très bien pour distraire les enfants. Le silence s’installa entre elles, que la jeune femme rompit en disant:
    â€” Vous voulez boire quelque chose avec moi? Un thé, un café?
    â€” Ce serait avec plaisir, mais mon mari devrait arriver d’une minute à l’autre. Il quitte Montréal dès la fermeture du magasin le samedi, et il se retrouve ici affamé.
    â€” Donc, ce sera pour une prochaine fois?
    â€” D’accord, avec plaisir.
    Toutes deux retournèrent à leur siège respectif, rassurées sur le sort de leur fillette si les relations de bon voisinage se poursuivaient tout l’été.

    La salle paroissiale ne payait pas de mine. Il s’agissait d’une bâtisse longue et étroite à un étage, construite de bois et recouverte d’un papier brique brunâtre. Devant la porte, quelques membres des chemises noires se tenaient bien droits, une torche fumante à la main. Les personnes présentes comprenaient l’allusion aux messes nazies de Nuremberg, dont les actualités filmées rendaient compte fidèlement depuis quelques années.
    Renaud paya les cinquante cents du droit d’entrée, comme les autres personnes présentes, des ouvriers, des cultivateurs et quelques employés au revenu visiblement modeste, compte tenu de leur accoutrement. Les journaux prétendraient, les jours suivants, que deux mille personnes assistaient à la rencontre: une nette exagération, jamais cette bicoque n’aurait pu recevoir une foule pareille. Il se retrouva à l’arrière d’une salle décorée pour l’événement. Sur tous les murs pendaient de longues bandes de tissu rouge frappées d’une croix gammée noire sur fond blanc. Tout autour de la pièce, de petits drapeaux reprenaient le même thème. Malgré les couleurs criardes, l’ensemble prenait une allure plutôt lugubre.
    Sur une estrade basse, encadré par une demi-douzaine de légionnaires qui tendaient le bras devant eux en un salut solennel, Adrien Arcand se tenait bien droit, comme un enfant désireux de se donner un pouce supplémentaire en se raidissant le dos.
    â€” Camarades, camarades, en venant dans votre belle région des Laurentides, je pensais trouver le bon air, les lacs limpides, les rivières vives. Et puis tout ce que je regarde est sale, crasseux, malodorant. Vous avez laissé les étrangers souiller votre région.
    Dans la salle, un murmure de colère parcourut l’assistance.
    L’orateur jouissait maintenant de toute l’attention des personnes présentes.
    â€” Les Juifs ont envahi les Laurentides. Ils se répandent partout. Voyez les synagogues avec des rabbins qui égorgent des poulets, les colonies de vacances pour leur progéniture qui s’enroule des couettes de cheveux autour des oreilles. Ils achètent des hôtels, des pensions. Autour du lac des Sables, à Sainte-Agathe, ils mettent la main sur les plus vieilles et les plus grandes maisons. Pensez-vous que les chrétiens conti-nueront de venir passer leur congé parmi ces métèques qui empestent l’ail? Demain, il n’y aura plus que des Israélites dans la région, et les Canadiens français leur serviront de domestiques. Mais ne vous bercez pas d’illusions: après demain, ils vous chasseront de leurs domiciles, de leurs hôtels, de leurs restaurants, pour vous remplacer par les leurs.
    Les Juifs se montrent solidaires, contrairement à nous! Des navires entiers des leurs se déverseront sur nos côtes. Bientôt minoritaires dans notre pays, nous n’aurons plus qu’à aller vivre aux États-Unis, où nous devrons disputer les plus mauvais emplois aux Nègres!
    Renaud Daigle surveillait les réactions des spectateurs.
    Ceux-ci s’entre-regardaient, hochaient de la tête en signe d’assentiment. Plusieurs d’entre eux prendraient sans doute leur carte de membre du Parti de

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