L'Eté de 1939 avant l'orage
dâun enfant avant dâexpliquer:
â Ce dernier profite sans vergogne de son nouveau statut de veuf, sâaffichant au bras de sa maîtresse.
â Ce qui peut blesser les âmes vertueuses, jâen conviensâ¦
Mais ce nâest pas un crime. Son alibi prouve son innocenceâ¦
à moins que vous me cachiez des choses, ajouta lâenquêteur, une pointe de soupçon dans la voix.
â Accepteriez-vous de refaire lâenquête policière dâabord, juste pour nous assurer que lâalibi demeure aussi solide quâil semble lâêtre, et pour explorer le meurtre politique ensuite?
Farah-Lajoie accueillit la proposition avec un sourire.
Comme dans le bon vieux temps, pour la dernière fois de sa vie peut-être, se livrer à une chasse au coupable ne pouvait que le faire saliver.
â Je commencerai donc avec cet alibi, car plus le temps passe, plus il deviendra difficile de dénicher des témoins.
â Oui, mais cela ne donnera sans doute rien. Si le capitaine Tessier avait eu à redire à ce sujet, Davidowicz ne se promènerait pas avec une femme à son bras. La piste des fascistes me paraît la plus prometteuse. Dans toutes les lettres de menaces reçues, il doit bien se trouver celle du coupable.
â Vous avez vu ces missives?
Une nouvelle fois, un soupçon: cet homme ne tenait rien pour acquis, même lâévidence méritait dâêtre vérifiée à plus dâune reprise.
â Oui. Certaines se révèlent très explicites.
â Qui vous y a donné accès? Tessier?
â Non. Ãlise Trudel, la maîtresse. Câest moi qui ai remis les plis arrivés à Ottawa au capitaine. Il se trouvait devant moi quand jâai mis la main sur ceux qui avaient été adressés à son domicile.
Lâancien policier ricana, prit une gorgée de son café avant de dire:
â Très serviable, cette dame. Elle vous donne une piste pour découvrir les vrais coupables, tout en fournissant lâalibi qui va tirer son amant dâaffaire.
â ⦠Bien sûr, si on regarde les choses de cette façonâ¦
Mais ce nâest pas si simple. Ces menaces existaient des années avant le meurtre. Dans la conjoncture actuelle, un esprit dérangé a pu se sentir investi dâune mission.
Lâempressement de Renaud devenait suspect, lui aussi. Il sâen rendit compte tout de suite devant la mine amusée de son vis-à -vis.
â Moi, je ne fais que commenter ce que je vois, expliqua son interlocuteur, souriant: une femme qui fournit à la fois lâalibi et la piste dâun nouveau suspect, par malheur insaisissable. Mais bien sûr, le capitaine Tessier a effectué toutes les vérificationsâ¦
â Je sais, je sais, admit lâavocat. Ãcoutez, câest justement pour obtenir un regard neuf, sans idée préconçue, que je veux votre avis. Ces lettres de menaces existent, et depuis dix jours, jâai jeté un Åil sur les nazis. Lâindice me paraît sérieux.
â Mais revenons à la dame. Vous la connaissez, assez pour avoir des préjugés favorables.
â ⦠Oui, je la connais.
â Ce qui ne signifie pas nécessairement quâelle vous ment, bien sûr.
Vraiment, le vieux détective commençait à se délecter de lâaffaire.
â Passons aux missives intimidantes, concéda-t-il enfin.
Je ne doute pas que votre politicien juif en reçoive. Moi-même, modeste fonctionnaire de police, jâen ai récolté quand je me suis mêlé de chercher un assassin dans les rangs de notre clergé. Pourtant, personne nâa essayé de me tuer, ou de tuer mon épouse.
â Mais vos adversaires ne se retrouvaient pas dans un parti politique voué à répandre la haine raciale. Et pour rester dans le même ordre dâidées, pourriez-vous me dire un mot du docteur Lalonde? demanda Renaud.
Le policier chercha un moment dans sa mémoire, puis son regard sâéclaira:
â Oh! Dans le temps, vos relations étaient plus recherchées, vous vous limitiez à la jeune fille accusée dâavoir assassiné son père. Maintenant, vous côtoyez la lie.
â Il est si mauvais?
â à mes yeux, oui. Mais je vais tout de même y regarder de plus près avant de vous en dire plus long. Je peux vous rendre des comptesâ¦
â
Weitere Kostenlose Bücher