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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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qui se déroulait sous leurs yeux.
    Un personnage plutôt grotesque descendait les marches de l’hôtel de ville: chauve, ridiculement obèse, son visage mobile fendu d’une large bouche. Autour du cou, il portait un lourd collier doré. Camillien Houde, le maire de Montréal, resplendissait sous les éclairs des flashs des photographes.
    Ancien chef du Parti conservateur du Québec, un poste que lui avait ravi Maurice Duplessis quelques années plus tôt, l’homme siégeait encore à l’Assemblée provinciale à titre de député indépendant. Malgré tous ses efforts, il n’arriverait pas à empêcher la mise en tutelle de la ville dans quelques semaines. La municipalité, acculée à la faillite par le coût des secours directs consentis aux chômeurs depuis la décennie que durait la crise, ne pouvait plus faire face à ses obligations.
    Après les poignées de main, les inclinations profondes de la part des politiciens montréalais, la brillante compagnie gravit les marches de l’édifice. Avant de passer la lourde porte de l’hôtel de ville, George VI pivota sur lui-même, adressa des sourires à la foule compacte sur les trottoirs et la chaussée. La reine Elizabeth, plus discrète, y alla aussi de marques d’amitié.
    â€” Tout cela parce qu’il veut nous engager dans sa guerre! s’exclama une voix en colère, derrière Renaud.
    Quand tous les notables se furent engouffrés dans le magnifique édifice de pierres grises, les badauds commencèrent à se disperser. Alors qu’ils se dirigeaient vers la Packard stationnée dans une petite rue voisine, la fillette tira à nouveau sur la main de son père avant de demander d’une voix blanche:
    â€” Cet homme disait vrai?
    â€” Tu veux dire à propos de la guerre?
    Elle lui adressa un grand mouvement de tête. Renaud s’arrêta pour la regarder. Son ton exigeait qu’il l’écoute et lui réponde le plus précisément possible.
    â€” Oui, je crois qu’il avait raison. Le roi essaie de rallier ses amis, car la menace d’un conflit en Europe s’intensifie.
    Mais il n’y aura pas de combats au Canada. Tu sais que c’est loin, l’Europe?
    â€” De l’autre côté de la mer.
    Ils se remirent en marche. Nadja ne se trouvait qu’à moitié rassurée:
    â€” Mais toi, tu n’iras pas?
    â€” Non, tu réalises bien que je suis trop vieux pour cela.
    Son ton faussement joyeux ne la trompa pas du tout.
    â€” La dernière fois, tu as combattu.
    â€” J’étais jeune à ce moment. Maintenant, je deviens trop âgé. Ton vieux papa ne ferait pas un bon soldat. Personne ne voudrait de lui.
    â€” Mais tu t’en mêleras? Tu n’aimes pas les Allemands.
    â€” Je n’ai rien contre les Allemands, tu sais. Leur gouvernement fait des choses terribles aux gens. Il faut l’arrêter. Si je peux aider, je le ferai, mais je n’irai pas me battre.
    Quand ils atteignirent l’automobile, la gamine demeurait songeuse. George VI était arrivé la veille à Québec, le 17 mai 1939. Le couple royal passerait deux jours à Montréal. Les journaux prétendaient que deux millions de personnes viendraient à un moment ou l’autre dans la ville pour l’apercevoir lors de l’un des événements officiels, dont une longue parade dans une voiture découverte, parade qui se terminerait par un arrêt devant des Canadiens en liesse au stade Molson de l’Université McGill. Le monarque se rendrait ensuite jusqu’aux Rocheuses pour rallier les Canadiens à sa cause. Dans la presse, des articles interminables faisaient état de pourpar-lers entre l’Allemagne et l’Italie. Très bientôt, les deux pays scelleraient leur amitié par le pacte d’Acier. Chaque camp mesurait ses forces, se rapprochait de ses alliés, en attendant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

    La foule montréalaise acclame et admire les souverains du Canada
    Sous un ciel magnifique, les Montréalais comblent les rues Heures trop brèves
    Vision de rêve — Douces images — «On n’a pas eu le temps d’assez les voir»
    Le Devoir , 19 mai 1939.

    Parce qu’elle passait ses journées au cinéma et abandonnait à Julietta la responsabilité

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