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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d’accueillir sa fille à la fin des classes, tous les soirs Virginie s’étalait sur un canapé avec Nadja appuyée contre elle. Une main tenait un livre, l’autre caressait les cheveux de la fillette. Cette dernière reproduisait exactement la même posture, son propre opuscule et son chat pour s’occuper. Dans un coin de la pièce, une énorme radio à ondes courtes distillait la musique de l’Orchestre sympho-nique de New York, diffusée en direct. Renaud cherchait sans relâche les appareils les plus performants et le toit du domicile de l’avenue de l’Épée s’encombrait d’une immense antenne composée de fils métalliques.
    L’avocat, dans un fauteuil couvert de cuir, parcourait journaux, magazines et livres dans un océan de papier. La maison baignait dans la quiétude domestique. Les fenêtres ouvertes permettaient à l’air frais d’envahir le salon. Une pluie fine tombait sur Outremont. Au passage des voitures, les pneus produisaient un bruissement sur le pavé mouillé.
    Un peu avant neuf heures, commença la négociation pour envoyer la princesse au lit. Seule la perspective d’y aller avec son matou facilitait un peu les choses. Quand elle se fut esquivée, après quelques bruits de plomberie, le silence envahit la demeure. Plutôt que de le rompre, la musique le rendait plus profond encore.
    Renaud migra de son fauteuil vers le canapé, Virginie se souleva juste assez pour lui permettre de s’asseoir à une extrémité, s’étendit ensuite jusqu’à poser sa tête sur sa cuisse.
    â€” Réalises-tu que ta fille est très inquiète?
    â€” Au sujet des rumeurs de guerre? Je sais. Tout le pays s’inquiète.
    â€” Je dois dire que sa mère n’est pas plus rassurée. Et je ne parle pas d’une inquiétude diffuse. Comme Nadja, je me préoccupe à ton sujet.
    Sa main frôla le cou de la jeune femme, ses doigts suivirent la clavicule sur toute sa longueur.
    â€” J’en suis à me réjouir de ta toux persistante, murmura-t-elle, alors qu’il y a trois mois je me torturais à l’idée que cela pouvait être la tuberculose. Même si les gens de l’armée devenaient assez fous pour te mettre un uniforme sur le dos, jamais ils ne te laisseraient approcher des combats.
    â€” Je ne suis pas certain que j’apprécie ton humour.
    â€” Mais ce n’est pas de l’humour. Je suis sérieuse. La guerre est imminente en Europe… L’est-elle?
    De l’affirmation, la jeune femme était passée à l’interrogation, avec une pointe d’espoir dans la voix.
    â€” Je crois que oui. La question est discutée dans tous les cercles diplomatiques du monde. On dit que l’Allemagne ne se trouvera pas prête, sur le plan militaire, avant 1942. Mais Hitler se révélera sans doute trop impatient pour attendre aussi longtemps. Après avoir récupéré les territoires allemands occupés par les alliés depuis 1919, annexé l’Autriche, accaparé la région tchécoslovaque habitée par des personnes de langue germanique, sa prochaine cible sera la Pologne.
    Quand il va mettre la main dessus, la guerre éclatera à l’échelle du continent.
    Le ton professoral lui revenait si facilement au moment d’aborder ces questions-là! Les préoccupations de sa femme se situaient dans un autre registre.
    â€” Le Canada se retrouvera-t-il impliqué, malgré la souveraineté acquise en 1931?
    â€” Certainement. Nos compatriotes de langue anglaise en piaffent déjà d’impatience.
    â€” Quels idiots. La dernière guerre a fait des millions de morts.
    â€” Et la grippe espagnole au moins deux fois plus. Ce sont les enfants des vétérans de 1914-1918. Ils ne se souviennent pas de la misère et jalousent la gloire de leurs pères.
    Bien sûr, un besoin de gloire militaire tout à fait masculin. Virginie pensait plutôt aux mères ou aux épouses qui recevraient un télégramme de l’état-major, désolé de leur apprendre un décès.
    â€” Serais-tu assez irresponsable pour essayer de t’enrôler?
    â€” Tu sais ce que fait Hitler?
    â€” Je lis les mêmes journaux que toi. Mais tu ne réponds pas.
    â€” Je crois qu’aucune guerre ne sera plus justifiée que celle-là. Alors si

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