L'Eté de 1939 avant l'orage
Davidowicz, mais aussi à sa femme. De plus, ces cinq lettres, bien quâelles ne portent pas de date, paraissent assez récentes, comparées aux autres. Elles se trouvaient sur le dessus des liasses, mais ce détail peut tenir aux nombreuses manipulations quâelles ont subies.
Lâex-policier prit le temps de terminer sa tarte aux pommes, puis son thé, avant de conclure:
â Je crois que depuis le début de cette affaire, la cible était lâépouse. Lâauteur de ces lettres a fait le coup.
â ⦠Mais comment reliez-vous cela à Ãlise Trudel?
â Oh! Il me semble que vous êtes déjà vous-même en train dây réfléchir. Je ne voudrais pas polluer vos hypothèses avec les miennes.
Après une pause encore plus longue que les autres, Renaud murmura:
â Vous demeurerez longtemps à Sainte-Agathe?
â Le temps de prendre au moins une bonne photo dâÃlise Trudel. Je me chercherai donc une chambre dans une petite pension pas trop chère.
â Et votre emploi avec le Procureur général?
â Lâheureux fonctionnaire se trouve en vacances à Old Orchard. Je suis tout à vous⦠pour quelques jours!
Les deux hommes en avaient fini de leur repas. Lâavocat ramassa les deux additions et, au moment de les régler à Belson, il expliqua encore:
â Jâavais imaginé demeurer tout lâété ici, mais avec les derniers événements, je crois que je vais écourter mon séjour et me reposer de nos amis fascistes du côté de New York.
â Une longue absence?
â Une semaine, deux si je peux louer un appartement.
Jâaimerais passer du temps à lâexposition universelle. Mais justement à cause de cet événement, se loger posera peut-être un problème.
Quand ils furent tous les deux sur le trottoir de la rue Saint-Vincent, Renaud évoqua le sort dâAlfred Côté, puis conclut:
â Soyez très prudent. Cette enquête me paraît devenir dangereuse.
â Je ne crois pas que les nazis aient été mêlés au meurtre de Ruth Davidowicz. Toutefois, je garderai les deux yeux bien ouverts. Jâaurai tiré cette affaire au clair bientôt. Je vous ferai rapport à votre retour de New York. Mais si dâici là je dois engager des frais?
â Jâavertirai mon bienfaiteur de sâenquérir de vos besoins.
Lâenquêteur grimaça un demi-sourire avant de déclarer:
â Si je comprends bien, vous ne me donnez pas son nom.
Je nâirai pas gratter à sa porte, je sais me conduire.
â Jâen suis absolument certain. Toutefois, jâignore si cet homme souhaite se faire connaître ou non. Je lui en laisse donc lâinitiativeâ¦
Alors quâils se quittaient, Farah-Lajoie se retourna après avoir parcouru quelques pieds pour lui crier:
â Tout de même, faites attention. Vos fréquentations semblent devenir dangereuses.
24
SÅur Saint-Crépinien connaissait une vie de domestique plus douce quâelle nâavait jamais espéré: le curé Jean-Baptiste Bazinet et son vicaire, Jean-Baptiste Charland, gardaient leurs mains pour eux et ils nâélevaient jamais la voix contre elle. Un rien lâhabillait: ce rien était constitué dâune longue robe brune et dâune coiffe qui cachait ses trop grandes oreilles et ses cheveux ternes. Avec les restes de leur table, elle se nourrissait mieux que la plupart de ses concitoyens et sa petite chambre, au dernier étage du grand presbytère de Sainte-Agathe-des-Monts, offrait plus de confort que tous ses logis antérieurs.
Toutefois, son travail réservait son lot de surprises. Un peu après le repas du midi, alors que les deux ecclésiastiques repus somnolaient dans de grands fauteuils sur la véranda, la sonnerie de lâentrée résonna dans la grande bâtisse vide. SÅur Saint-Crépinien découvrit sur le pas de la porte un curieux bonhomme un peu hirsute, offrant au regard une longue barbe et des cheveux broussailleux et gris. Par cette chaleur, son long manteau noir devait être insupportable. Sur le devant, la religieuse voyait pendre une pièce de tissu dâun blanc grisâtre au rebord décoré dâune bande bleue. Des franges lui battaient les cuisses.
Le rastaquouère nâenleva même pas son couvre-chef à large rebord au
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