L'Eté de 1939 avant l'orage
en pleine nuit.
â Alors, vous avez vu que votre curé vous a rendus célèbres. La Presse , Le Devoir , Le Canada commentent son sermon de dimanche dernier, parfois en première page.
Dâun coup, M gr Bazinet propulsait Sainte-Agathe au-devant de la scène dans la bataille de la «race» pour conserver son territoire.
â Je les lirai tout à lâheure, mais je peux déjà vous dire que Le Devoir ne doit pas y trouver trop à redire. Les deux autres périodiques sous-entendent sans doute que notre pasteur a abusé de lâencens, ou du vin de messe.
â Ce ne sont pas exactement leurs termes, mais vous rendez bien leur point de vue.
â Vous nâavez certainement pas effectué tout ce trajet par de mauvais chemins pour commenter notre presse périodique. Lâavocat avait dit cela avec le sourire. Tout de suite son vis-à -vis chercha dans la poche de son veston une pile de ses petites fiches.
â Jamais je nâabuserais ainsi de votre portefeuille⦠ou de celui du généreux inconnu qui mâemploie par votre intermédiaire. Je voulais vous entretenir de deux femmes. Je commencerai par Myriam Davidowicz, devenue par son baptême et son mariage Marie Laliberté, épouse du bel Armand.
Pendant quelques minutes, Farah-Lajoie rendit compte de son entrevue avec la jeune sÅur du suspect. En guise de conclusion, il déclara:
â Pendant tout notre échange elle a soigneusement évité que mon regard ne croise le sien. Je suis convaincu quâelle a menti.
â Peut-être est-elle simplement timide.
â Elle est timide, mais il y a plus. Jâai procédé à des centaines dâenquêtes dans ma vie, je sais bien qui veut me duper. Je suis retourné visiter la voisine de la rue Davaar.
Celle-ci mâa encore répété que la personne quâelle a vue était aussi grande que moi. La fille Davidowicz me vient à peu près à la bouche. Tout de même, notre informatrice se trouvait à un bon quinze pieds, plus probablement vingt, de la porte voisine. Alors la semaine dernière jâai consacré tous mes loisirs à attendre à la porte de lâappartement du couple Laliberté pour prendre un portrait de la dame. Comme cela, jâen aurai le cÅur net.
â Mais pour une photo de ce genre, il faut un appareil très performant, et un téléobjectif long comme le canon dâune carabine. Même moi, je nâose pas mâen acheter un, de peur que ma femme mâaccuse de dilapider le patrimoine familial.
â Et moi je devrais hypothéquer ma maison pour me payer un jouet pareil. Câest pour cela que jâen ai emprunté un au service de police de la Ville de Montréal.
Cela signifiait que plus de douze ans après avoir été jeté dehors, cet homme y trouvait toujours des amis fidèles.
â Et cette photo, vous lâavez?
â Bien sûr.
â La vieille lâa reconnue?
â Je ne suis pas encore allé la lui montrer. Voyez-vous, il me manque une autre photographie. Je ne veux pas multiplier les visites à cette voisine, bien que je pense constituer sa seule distraction. Croyez-vous que madame Trudel soit aussi grande que moi?
Renaud Daigle resta un moment interdit, puis admit dâun ton hésitant:
â Oui, je crois. Cependant, je ne saisis pas le rapport.
â Pourtant, vous devriez le voir. Actuellement, nous pouvons relier trois femmes à Arden Davidowicz. La première est morte. La seconde me semble détester avec une certaine véhémence tout ce que la première incarnait. La troisième profite de sa mort.
â Mais cela nâa aucun sens. Dâabord, Ãlise se trouvait avec son amantâ¦
â Cela me trouble un peu, pas vous? Ãlise Trudel procure un alibi à Davidowicz, Davidowicz lui sert dâalibi. Si les deux sont de mèche, cela ne pèse pas bien lourd.
Après un nouveau moment dâhésitation, lâavocat offrit encore:
â Mais les employés du restaurant De Gascogne les ont vusâ¦
â Ils ont aperçu un homme et une femme, mais nâont identifié que celui-ci grâce à une photographie. Le portrait que jâentends montrer à la voisine me servira aussi avec les serveurs de ce restaurant. Vous savez, je compatis avec le capitaine Tessier qui a dû enquêter avec vous dans ses pattes.
Mais ce
Weitere Kostenlose Bücher