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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ouvertes toute la nuit, le lendemain il n’y paraîtrait plus. Le matou retrouva ses aises avec plaisir, Nadja plaça la photographie de Fran sur la commode de sa chambre au moment de se mettre au lit.
    Dans le salon du rez-de-chaussée, Renaud replaça quelques livres dans les étagères tout en écoutant une station de radio de New York.
    â€” Tu penses te rendre au cinéma demain? demanda-t-il à sa femme qui parcourait des revues.
    â€” Certainement, pour me rendre compte qu’Émile a pu se passer de moi. Je suis partie inquiète de voir les affaires aller à vau-l’eau pendant mon absence, je reviens encore plus inquiète de constater que cela n’a pas été le cas.
    â€” Tu t’en fais pour rien. Si ton homme de confiance peut te remplacer si facilement, c’est parce que ton entreprise a été bien mise en selle.
    â€” Quelle sollicitude! plaisanta-t-elle. Tu t’exprimes comme un époux qui désire emmener sa femme à New York.
    Elle avait affirmé cela en riant, mais la tentation de reprendre tout de suite le collier la tenaillait tout de même.
    D’un autre côté, le fantôme d’Alfred Côté flottait dans la maison: prendre la fuite vers les États-Unis présentait un certain charme.
    Le visage préoccupé de la jeune femme exigeait de véritables explications. Renaud s’arrêta pour la rejoindre sur le canapé et lui dire:
    â€” D’ici quelques semaines, je pense que nous ne serons plus aussi libres de nos mouvements. Autant en profiter quand on le peut.
    â€” Tu veux dire que la guerre…
    â€” Ne tardera plus à éclater, maintenant.
    Les articles dans les journaux du monde entier ne laissaient pas de doute à ce sujet: le conflit approchait à grands pas. Chaque jour, la presse évoquait le jeu des alliances, les forces en présence, les progrès dans les armements. Au Québec, alors que circulaient des rumeurs d’élections pour l’automne prochain, tant au fédéral qu’au provincial, députés et candidats multipliaient les assemblées publiques. Chaque fois, les membres de l’Union nationale affirmaient la nécessité pour le Canada de rester neutre, les libéraux insistaient sur une participation qui n’irait pas jusqu’à la conscription, les conservateurs proposaient la mobilisation immédiate et sans nuances de toutes les forces disponibles. Cet été de 1939 prenait l’allure d’une longue journée très chaude, avec de lourds nuages d’un noir d’encre se profilant à l’horizon.
    â€” Cela ne saurait durer très longtemps. Contre la France et le Royaume-Uni…, plaida la jeune femme après une pause.
    â€” La dernière fois aussi, c’était contre ces pays. La Russie en plus. Cela s’est étiré sur quatre ans. Depuis quelques mois, les Allemands négocient avec l’Union soviétique. Si le Reich n’est pas menacé du côté de l’est, l’affrontement ne sera pas une partie de plaisir.
    Un autre silence pesant s’installa entre eux. Finalement, Virginie abdiqua:
    â€” Tu comptes te rendre chez l’agent de voyages demain matin?
    â€” Après être passé à la Faculté.
    Comme ils entraient dans la maison, l’avocat avait trouvé plusieurs enveloppes sur le plancher de l’entrée. Au moment de les ramasser, la lettre de l’Université de Montréal lui avait donné un pincement au cœur. Un congédiement? Au contraire, plutôt un chèque couvrant les arriérés de salaire depuis le mois de décembre 1938, de même qu’un mot fort aimable de son doyen le priant de venir le rencontrer. Depuis quelques semaines, l’établissement universitaire se trouvait sous la tutelle du gouvernement provincial. Si celui-ci devait assumer les dettes accumulées, il entendait garder un œil sur les finances de l’institution de haut savoir pour les années suivantes.

    Au moment de pénétrer dans le grand édifice de pierres grises de la rue Saint-Denis, Renaud Daigle resta quelques minutes devant un panneau d’affichage. En plus des avis de l’administration de l’université, les annonces pour les chambres à louer et quelques offres d’emploi, les associations étudiantes faisaient la promotion de leurs activités. Au cours de la

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