L'Eté de 1939 avant l'orage
les étaler sur une table de la salle à manger, à peu près déserte au milieu de lâaprès-midi.
â Ãcoutez, je ne saurais vraiment vous dire, après toutes ces semaines.
à la surprise du jeune homme, lâenquêteur parut plutôt soulagé quâil ne reconnaisse pas cette personne. Un geste vif, comme celui dâun joueur de cartes qui ramasse sa donne, lui permit de reprendre les instantanés, puis il en disposa dâautres en déclarant:
â Nous allons essayer avec ceci, alors.
â ⦠Mais ce nâest pas la même femme? remarqua le serveur, surpris.
â En effet. Cependant, je pense quâil sâagit de la personne qui accompagnait Arden Davidowicz. Vous avez reconnu cet homme dâaprès les photographies que vous a montrées le capitaine Tessier, quelques jours après le crime.
â Des photos de police, je me souviensâ¦
Justin Duchet regardait les nouveaux tirages posés sur la table. Après un moment, il dit avec un sourire:
â Je crois que câest elle. Elle est plus jolie que la première. Ici, son ventre a pris du volume. Au mois de mai, cela ne paraissait pas tellement quâelle était enceinte. Toutefois, elle y a fait allusion.
Du doigt, le jeune homme montrait lâune des images de Myriam Davidowicz. Elle se tenait sur un trottoir, son abdomen proéminent gonflait sa robe.
â Vous êtes certain?
â Pas à cause de ses traits, cela fait trop longtemps⦠En fait, je ne la reconnais pas vraiment, mais la photographie me rappelle que la cliente se trouvait enceinte. Quand jâai voulu lui verser du vin, elle a mis la main sur le verre en me disant en riant quâelle ne voulait pas que son bébé soit alcoolique avant sa naissance.
â Je vous remercie infiniment, monsieur Duchet.
Ses clichés à nouveau dans lâenveloppe, certain de comprendre maintenant ce qui sâétait passé le soir du 21 mai, Farah-Lajoie quitta le restaurant. Une fois encaissé le dernier chèque pour cette enquête, il emmènerait sa femme manger là : la cuisine paraissait excellente, et le personnel, français, bien sympathique.
â Cette fois ça y est, les dés sont jetés?
Virginie se trouvait avec son mari à la terrasse dâun restaurant de Saratoga Springs. Après une semaine dans la ville de New York, alors que le futur â enfin, celui imaginé par les grandes entreprises américaines â nâavait plus aucun secret pour eux, la famille avait décidé de rentrer par le chemin des écoliers. La ville dâeau se situait au nord de lâÃtat de New York. Ses excellents restaurants, ses hôtels confortables et une campagne environnante magnifique pouvaient les retenir quelques jours.
â Jâen ai bien peur, répondit Renaud après une longue pause.
Au milieu de la table se trouvait le numéro du 23 août du New York Times . La première page affichait la nouvelle de la signature du pacte de non-agression entre lâAllemagne et lâUnion soviétique.
â Maintenant, continua lâavocat, Hitler peut attaquer la Pologne. Il nâaura rien à craindre de Joseph Staline.
â Tout de même, la France et le Royaume-Uni réaffirment tous les deux jours que dans ce cas ils déclareront la guerre au petit caporal.
â Ces mêmes contrées lâont laissé récupérer la vallée de la Sarre, annexer lâAutriche, réarmer le Reich, saisir une partie de la Tchécoslovaquie. Le dictateur sâimagine peut-être que la peur de déclencher un conflit meurtrier empêchera une nouvelle fois ces deux pays dâagir.
Virginie échappa un long soupir. Lâincapacité de la Société des Nations à maintenir la paix avait été la grande déception de la décennie pour tous les idéalistes comme elle. Aussi, le Japon avait pu multiplier les atrocités en Chine et lâItalie en Ãthiopie, tout à fait impunément. Elle se révélerait bien inutile cette fois encore.
â Que faisons-nous? demanda-t-elle à son époux.
â Demeurons ici jusquâà dimanche, comme prévu. Dâici là , Nadja aura peut-être enseigné un peu de français à son cheval.
à ce moment, la gamine apprenait à monter à lâanglaise dans une école dâéquitation. Son père avait
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