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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Nous voilà donc affublés d’un chat de garde. Dommage qu’il ne sache pas attraper les pierres. Et ta blessure, elle doit bien faire douze pouces de long, avec ce gros pansement.
    â€” Elle est longue comme cela.
    La gamine lui montrait une longueur d’un bon demi-pouce entre le pouce et l’index.
    â€” Dans ce cas, je pense bien que tu pourras marcher de nouveau.
    Si l’humour devait restaurer la bonne humeur de la petite fille, le cœur de Renaud continuait de battre à se rompre. Si cet idiot avait lancé une bombe incendiaire plutôt qu’une pierre, les résultats auraient pu se révéler dramatiques. Il suffisait d’une bouteille remplie d’essence avec, coincé dans le goulot, un torchon allumé, pour entraîner une conflagration. Un engin de ce genre avait sans doute servi sur le pont de la Presqu’île.
    Virginie était allée dans la cuisine. Quand elle revint avec un balai et un porte-poussière, Renaud murmura:
    â€” Laisse, je vais m’en occuper. Va plutôt chercher le thé.
    Nous sommes mûrs pour une nuit à regarder le lac et à écouter de la musique. Je ne serais pas étonné que nous puissions capter une station de Montréal, malgré les montagnes.
    C’était à espérer, car personne ne regagnerait son lit avant le lever du soleil. 

29
    Le policier venu entendre la déposition de Renaud eut la bonne idée d’arriver en fin de matinée: cela lui permit de dormir un peu. Son initiative risquait de valoir une amende salée à Blanchet, et sans doute même quelques jours de prison. Surtout, son séjour à l’Hôtel-Dieu serait peut-être interrompu, son début de carrière profondément perturbé.
    D’un autre côté, selon toute probabilité, son mentor, le doyen Étienne Pouliot, lui viendrait en aide pour arrondir les angles.
    Au début de l’après-midi, alors que toutes les femmes de la maison décidaient de se rendre au centre d’équitation afin de faire des adieux sentis à un grand cheval aux yeux noirs, Renaud accueillit un notaire un peu inquiet. Le carreau remplacé par un morceau de carton demeurait du plus mauvais effet. Dans la pièce qui servait de lieu de travail depuis des semaines, l’homme prit place devant le lourd bureau.
    â€” Comme nous n’avons pas reçu de vos nouvelles plus tôt, le propriétaire a tenu pour acquis que vous voudriez renouveler la location jusqu’à la fin de septembre. Je suppose que votre invitation à vous rencontrer aujourd’hui permettra de régler les détails, commença-t-il.
    Il voulait dire que le temps était venu d’encaisser un chèque pour les deux mois suivants.
    â€” Malheureusement, votre client sera déçu. Je n’entends pas prolonger mon séjour dans votre charmant village.
    â€” … Si c’est une question de prix, je pourrais sans doute obtenir une réduction.
    â€” Je n’en doute pas. Je parie que les loyers descendent en flèche depuis deux semaines. Les Juifs qui ne sont pas propriétaires de leur lieu de villégiature doivent trouver que le lac Memphrémagog est meilleur pour leur santé, tout d’un coup. Quant aux chrétiens, ils n’aiment pas nécessairement vivre au milieu des partisans d’Adrien Arcand. À tout le moins, c’est mon cas.
    Le notaire resta un moment interdit, puis tenta:
    â€” Mais l’endroit deviendra plus calme sans eux. Vous ne voulez certainement pas nous quitter pour cela…
    â€” C’est pourtant ce qui arrive. Vous pouvez dire au propriétaire de se faire rembourser le loyer perdu, comme le prix de la vitre brisée, par M gr Bazinet… ou par la «caisse spéciale» que ses sbires sont à constituer. Nous aurons emballé nos choses demain soir. La maison sera vide mardi, 8 août.
    Je ne vous dois donc rien.

    Un petit camion devait emporter quelques effets le lendemain. La famille s’étonnait de tout ce qui avait été apporté à Sainte-Agathe, au fil des semaines. Les vêtements et les personnes entrèrent dans la Packard.
    Le retour à Montréal s’effectua en silence: dans une certaine mesure, tous gardaient le sentiment d’avoir été chassés de chez eux. La maison de l’avenue de l’Épée sentait un peu le renfermé. Avec les fenêtres

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