L'Eté de 1939 avant l'orage
sa politique pour faire «disparaître» les Israélites de la vie intellectuelle, économique, politique et sociale de ce pays. Ce programme ressemblait à celui que le docteur Paul-André Lalonde avait proposé lors de lâassemblée de Saint-Faustin, repris par les poseurs dâaffiches de Sainte-Agathe. Ensuite, en toute logique, ne disparaîtraient-ils pas de la vie tout court?
Lâantisémitisme sâétendait à toute lâEurope de droite.
Lâargument de la protection des Juifs devenait imparable: Nadja lui fit un signe approbateur, puis murmura en ouvrant la portière:
â Sois très prudent!
Puis elle descendit. Une minute plus tard, après avoir grimpé les marches du grand escalier quatre par quatre en refoulant ses larmes, elle entra dans ce qui serait son école pour les huit années à venir.
Quand lâavocat pénétra dans lâédifice du Parlement, après un trajet en train, ce fut pour trouver les lieux dans une agitation tourbillonnante. En plus des députés qui rentraient inquiets et surexcités par les décisions quâils auraient à entériner, toute une nuée de profiteurs de guerre venaient à la chasse aux contrats.
Le ministre de la Justice ne se trouvait pas à son bureau.
à la place dâÃlise Trudel, une jeune femme faisait office de secrétaire. Lâattente ne parut pas bien longue, le visiteur entra dans la pièce sur les pas de Lapointe, qui fit remarquer:
â Maurice Duplessis possède le sens de lâà -propos. Parler de déclencher des élections au moment où nous nous retrouvons en guerre!
â Mais vous me disiez vous-même en mai vouloir le conduire à cette extrémité.
â Je sais, mais alors je ne pensais pas que ce serait au moment de lâentrée dans le conflit de nos alliés. Il fera campagne en affirmant que la participation aux combats mènera tout droit à la conscription.
â Et vous, que jamais le Parti libéral ne votera la conscription.
Le ministre avait pris place derrière son bureau, Renaud sur une chaise en face de lui.
â Mais je ne vous ai pas fait parcourir tout ce trajet pour parler de lâélection provinciale, que nous allons gagner. Ãtes-vous prêt à donner un coup de main pour lâeffort de guerre?
â Cela dépend de la fonction. Pas dans lâarmée, jâai déjà donné.
Jamais il ne manquerait à son engagement envers sa femme et sa fille⦠sans compter que les journaux multipliaient les avis précisant que le recrutement se limiterait aux jeunes hommes en excellente santé et dotés de connaissances techniques. à ces deux chapitres, il ne se qualifiait pas.
â Non, rien dâaussi admirable. Nous avons formé un Comité de lâinformation, composé de quelques députés, en plus de conseillers juridiques. Vous êtes toujours résolu à ne pas briguer les suffrages? La fonction que jâai en réserve pour vous ne vous rendra pas populaire.
â Je ne suis pas assez bon vendeur pour cela. Quel est le lien entre cette question et votre comité?
â Celui-ci sâoccupera de la censureâ¦
Bien sûr, au début dâune guerre qui pouvait se prolonger, le premier souci était dâaffermir la volonté de la nation. Le contrôle de lâinformation empêcherait les voix discordantes de sâexprimer. Cette mission nâavait rien dâélégant, mais il fallait lâeffectuer.
â Vous voulez que je conseille le Comité au sujet de la liberté dâexpression, pour prévenir les excès? Je ne suis pas spécialiste du sujetâ¦
â Ce comité dirigera les travaux du Bureau de la censure.
Lâhomme chargé de la publicité au Canadien National, Walter Thompson, va en assumer la direction. Jâai besoin dâun directeur adjoint de langue française. Jâai pensé à vous.
â Oh!⦠Câest trop de bonté.
Le détenteur de cette responsabilité ne se gagnerait aucun ami chez les Canadiens français. Les premières victimes dâun service de censure seraient les milieux fascistes, bien sûr, mais les nationalistes ne tarderaient pas à recevoir une part de son attention.
â Vous savez que je suis à lâemploi de lâUniversité de Montréal.
Dire quâau début du
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