L'Eté de 1939 avant l'orage
devenait de plus en plus las. Lâévidence sâimposait à lui.
â Vous voyez, en mâadressant à son père, à sa sÅur, puis en lui rendant visite, jâai mis de la pression sur Davidowicz.
Puis jâai pris la photo de sa maîtresse. Il savait très bien que je vérifiais à nouveau son alibi. Un retour précipité vers son pays natal, à la veille de la guerre, lui paraissait plus noble quâune accusation de meurtre. Maintenant, il se révèle lâhomme qui a volé au secours de la défaite. Au moment de son départ, il ne devait pas imaginer la conflagration aussi proche. Cela ne change rien à la réalité: il est en fuite.
â Mais Ãlise⦠Cela nâa pas de sens. Rappelez-vous les coups de poignard dans les parties génitales, la croix gammée sur le ventreâ¦
â Et les lettres de menace. Très clairement, tout a été planifié pour faire croire à un meurtre haineux. Mais ces coups de couteau ont été portés faiblement, la croix gammée a été tracée par de simples estafilades. Jâai vu assez de corps mutilés par des personnes qui haïssaient leurs victimes pour reconnaître une mise en scène. Croyez-moi, quand câest pour de vrai, cela ressemble à une véritable boucherie.
Comment imaginer Ãlise Trudel, la secrétaire très efficace du ministre de la Justice, sonner à la porte, se présenter sous un faux prétexte, se laisser conduire dans un petit salon où, subrepticement, elle aurait logé une balle dans la nuque de son hôtesse? Et plus grotesque encore, la même femme se précipitant à la cuisine pour revenir avec un couteau et sâen prendre au cadavre? Le premier sentiment de lâavocat était de croire quâaucune femme ne pouvait se livrer à de pareilles actions. Encore moins une personne quâil avait appris à estimer!
â Que proposez-vous de faire maintenant? demanda-t-il dâune voix blanche.
â Vous vous souvenez, vous êtes lâemployeur? Vous proposez, jâexécute.
Bien sûr, Farah-Lajoie ne prendrait pas dâinitiative. Le seul aspect vraiment agréable de la vie de détective privée résidait justement dans le fait que les décisions délicates relevaient dâautrui.
â Quelle sera la prochaine étape? demanda Renaud.
â Rencontrer Myriam Davidowicz, dame Laliberté maintenant. Le serveur a cru la reconnaître, mais cela demande confirmation. Nous irons lorsque vous aurez terminé votre tasse de thé. Ensuite, si mon hypothèse est confirmée, je tenterai dâinterroger Ãlise Trudel. Jâaimerais, dans les circonstances, jouir des mêmes pouvoirs quâun policier, et posséder un mandat pour fouiller son logis. Elle doit bien en posséder un, en plus de ceux de son amant?
â ⦠Elle logeait rue King Edward, à Ottawa. Comme Lapointe mâa dit quâelle occupe un emploi dans cette ville, peut-être y réside-t-elle encore. Mais quâespérez-vous trouver?
â Un imperméable qui lui sied mal, selon la voisine de la rue Davaar, une robe fleurie, une perruque, un pistolet.
Parce que ce meurtre a été planifié avec soin, je ne doute pas que ces pièces à conviction aient été détruites. Cependant, ce que je préférerais, câest rédiger un texte plein de «t» et de «m» sur son clavigraphe.
Lâusage de ce mot démodé trahissait lââge de lâex-policier.
Lâavocat essaya de se remémorer sa visite dans le petit logement de la Côte-de-Sable, à Ottawa, le lendemain du crime.
à la fin il conclut:
â Je ne me souviens pas dâavoir vu une machine à écrire dans lâappartement. Peut-être dans la chambre⦠Elle en utilisait une au travail.
â Et je suppose quâelle se trouvait souvent seule dans son bureau. Nous y allons? Mon auto est tout près, je vous ramènerai ici ensuite, sans faute.
Lâenquêteur présumait quâune jeune femme aussi sérieusement enceinte que Myriam Davidowicz ne pouvait sâabsenter de la maison. Quand la sonnette retentit dans le petit appartement de la rue Saint-Hubert, elle se trouvait dans la cuisine, en train de laver la vaisselle de son dîner. Avec son ventre qui avait pris des proportions considérables, elle mit un
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