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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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voilà la réponse des autorités canadiennes. Nous n’avons accueilli presque personne depuis dix ans.
    â€” Ce n’est pas tout à fait vrai.
    En vérité, le pays avait reçu trente mille immigrants environ, une moyenne de trois mille par année, quarante fois moins que pendant la décennie précédente. Mais dans un contexte économique extrêmement difficile, ce nombre avait fait hurler toutes les personnes victimes, ou simplement menacées, de chômage.
    â€” Ces jours-ci, précisa l’avocat, on parle vraiment de fermeture. Depuis dix ans, combien de Juifs ont été acceptés?
    â€” Très peu. Ils se comptent en centaines, tout au plus.
    Raison de plus d’accueillir ceux du Saint-Louis , insista le médecin.
    â€” Il n’y en aura pas plus. Vous vous rappelez le vacarme de protestations au moment des discussions sur l’accueil de réfugiés sudètes, il y a quelques mois à peine?
    En 1938, Adolf Hitler avait envahi la région des Sudètes, en Tchécoslovaquie, où se trouvait une bonne concentration de personnes de langue allemande. Évidemment, les autres habitants de la région avaient cherché à fuir les envahisseurs.
    Même si ces personnes étaient surtout chrétiennes, de grandes manifestations avaient été organisées pour empêcher leur venue au Québec. La présence de quelques Juifs parmi elles avait servi d’épouvantail pour alimenter l’opposition.
    â€” Ils sont moins de mille, plaida encore Davidowicz.
    â€” Le pays ne veut recevoir que des cultivateurs. Rares sont les Israélites qui œuvrent dans ce domaine.
    â€” Moins de mille, un tout petit effort. La misère due à la crise demeure bien plus cruelle dans les Prairies qu’au Québec ou en Ontario. Le Canada n’a pas besoin de nouveaux agriculteurs, mais de travailleurs urbains, d’entrepreneurs.
    â€” Écoutez, le ministre responsable de l’immigration s’appelle Gordon. Adressez-vous à lui. Vous me faites jouer le mauvais rôle: vous expliquer pourquoi on ne laissera pas entrer ces réfugiés au pays. Si j’étais ce ministre, j’accepterais de les recevoir. Le Canada ne compte pas quinze millions d’habitants. Si la population doublait, notre économie ne s’en porterait que mieux.
    Le médecin se pencha vers l’avant pour se rapprocher de lui, les fesses sur le bout du fauteuil:
    â€” Je voudrais que vous parliez à des membres influents du cabinet, pour leur ouvrir le cœur.
    Quelque part dans la maison, une horloge sonna la demie.
    L’avocat secoua la tête, découragé.
    â€” Je ne possède pas cette influence.
    â€” Vous critiquez les nationalistes du Québec, entichés de fascisme, très souvent antisémites, sur la place publique. La majorité des Québécois ne sont pas comme eux. Ils lisent La Presse ou Le Soleil , nous traitent avec respect. Les libéraux occupent le pouvoir à Ottawa, vous demeurez un ami de la plupart d’entre eux. Vous pouvez les influencer.
    â€” Vous vous leurrez. Je connais quelques membres du cabinet, tout au plus. J’ai effectué quelques contrats pour eux.Davidowicz ne voulait pas renoncer. Après un moment de silence, le médecin plaida encore:
    â€” Pendant trois ans, je vous ai vu dans les divers comités de travail liés à la Commission royale d’enquête sur les relations entre le dominion et ses provinces.
    â€” À défendre des idées qui me rendent suspect! Plusieurs pensent que je devrais plutôt voter avec les socialistes du Cooperative Commonwealth Federation … Mon influence sur le Parti libéral est minuscule. J’inquiète la plupart de ses membres.
    â€” Vous proposez des concepts comme l’assurance-chômage et l’assurance-maladie. La majorité vous voit comme un libéral pressé, prônant des initiatives qui vont s’imposer tôt ou tard… Ce sera plutôt rapide, si les mystérieuses recommandations de cette commission d’enquête sont appliquées…
    Prudent, le premier ministre William Lyon Mackenzie King retardait le dépôt du rapport de la commission d’enquête, qui suggérait que les provinces renoncent à leur pouvoir de taxation afin que le gouvernement fédéral puisse mettre sur pied des programmes sociaux. Renaud pensait que

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