L'Eté de 1939 avant l'orage
accédaient à lâUniversité McGill au sortir de lâécole secondaire publique. Virginie pensa en souriant que son mari affirmait que câétait justement cet accès plus facile à lâécole, à tous les niveaux, qui expliquait leur richesse.
â Voilà , jâai trouvé!
Le cri de Nadja, plusieurs pieds plus loin, tira la jeune femme de sa rêverie. Déjà , la gamine sâétait glissée par une ouverture dans la clôture et elle adressait un grand sourire à sa mère.
â Viens me rejoindre. Tu vas voir, câest facile.
En effet, lâouverture béante laissait croire que des sans-abri trouvaient à se protéger des intempéries dans ce haut lieu du savoir.
â Reviens de ce côté-ci, gronda la mère. Ce que tu fais là est illégal.
â Personne ne le saura. Viens, on ira voir dans lâédifice.
â Les portes sont sûrement verrouillées.
â Mais il nây a même pas de fenêtres dans les ouvertures.
Câétait vrai, des panneaux de bois en faisaient office, et certains dâentre eux avaient été arrachés. Virginie passa de lâautre côté de la clôture en poussant un long soupir, bien résolue à brider la tendance de sa fille à la délinquance.
Elles purent se rendre jusquâau bas du grand escalier majestueux conduisant jusquâà lâentrée principale. Nadja nâeut quâune seconde dâhésitation avant de sâélancer, gravissant deux marches à la fois à chaque enjambée.
â Nadja, reviens ici tout de suite. Tu vas te casser quelque chose.
â ⦠Mais non, câest facile.
Ãa lâétait: quelques secondes lui suffirent pour atteindre les grandes portes de chêne. Mais même en sâarc-boutant, elle ne put les faire bouger dâun pouce. Meilleure observatrice, elle se serait rendu compte que les immenses panneaux de bois avaient été cloués dans les cadres.
Après avoir essayé toutes les portes, la fillette déclara forfait et revint, déçue, mais pas encore disposée à admettre sa défaite.
â Nous pouvons passer par une fenêtre. Il y en a qui sont à peine à trois pieds du sol.
â Jamais de la vie, répondit sa mère en prenant la main de la gamine. Que ferais-tu si un policier arrivait?
â Je peux courir très vite. Comme toi, jâai de grandes jambes.
Elle avait dit cela en relevant un peu sa robe, pour lui montrer. Sa mère se fit la remarque que probablement, Nadja pouvait détaler trop rapidement pour quâun agent de la paix bedonnant lui mette la main dessus.
â Tu serais conduite au poste de police, expliqua-t-elle toutefois. Ton père devrait aller te sortir de là .
â Câest un bon avocat. Je ne risquerais rien.
â Peut-être, mais il aurait honte de toi.
Devant cet argument brutal, la fillette ne dit plus rien, baissa la tête et se laissa remorquer jusquâà la voiture⦠tout en imaginant le plaisir quâelle aurait eu à courir dans ce grand immeuble désert. Lâécho devait y être merveilleux.
«Entrez, MM. Les étrangers: le pays est à vous»
Où lâon voit quâen pleine crise de chômage nous avons laisséentrer dâavril 1938 à avril 1939 près de 17,000 immigrants au Canada â Dâoù ils viennent â Ont-ils tousdéclaré leur vraie origine ethnique? â Québec en reçoit 3,450, logés surtout dans les villes â Moins dâun tiers des immigrés reçus sont allés sâétablir à lâouest du lac Supérieur â Rien que 4,824 ont déclaré être des agriculteurs â Combien le sont en réalité?
M. Bennett avait restreint lâimmigration â Depuis, lâon ouvre les portes, malgré le chômage
Le Devoir , 9 mai 1939.
Renaud se plongea dans un gros traité de droit en attendant son visiteur. Arden Davidowicz frappa à la porte un peu après quatorze heures. Lâavocat le pria de le suivre dans son bureau et lui offrit un thé glacé. Chacun prit place dans un fauteuil près de la fenêtre. Après les échanges de civilités, Renaud passa aux choses sérieuses:
â Outre les relations de bon voisinage, car je crois que vous habitez non loin dâici, que me vaut le plaisir de votre
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