Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
autre ton: Le directeur vous traite bien?
    â€” Aussi bien que possible. Il doit son poste au Parti libéral… Mais pouvez-vous me parler un peu de votre rencontre avec Lapointe, au sujet des réfugiés du Saint-Louis ?
    Pendant plusieurs minutes, l’avocat rendit compte de sa petite mission auprès du ministre de la Justice. Puis il reprit le chemin d’Outremont après une dernière poignée de main.

    La manifestation à Dollard
    Des centaines de personnes se réunissent au pied du monument au parc Lafontaine — Déposition de fleurs et discours  
    Le Devoir , 25 mai 1939.

    Au moment du petit-déjeuner, Renaud avait pu terminer la lecture du Devoir : la veille, il n’avait regardé que l’annonce relative à l’activité patriotique prévue au Monument national.
    Cela lui permit de constater que les nationalistes ne s’agitaient pas sur un seul front. En quelque sorte, un hors-d’œuvre devait précéder le mets principal.
    Aussi en fin d’après-midi, l’homme se retrouva dans le cadre enchanteur du parc Lafontaine, un magnifique îlot de verdure au milieu de la ville, pour assister à une commémoration de l’extraordinaire sacrifice d’Adam Dollard des Ormeaux et de ses seize compagnons. L’événement se déroulait devant un monument érigé depuis plusieurs années déjà.
    Le culte rendu à ce héros mort en 1660 avait pris naissance quand, au dix-neuvième siècle, deux historiens en soutane en avaient fait le sauveur de la Nouvelle-France.
    Dans le contexte de la Première Guerre mondiale, des publicistes de langue anglaise avaient repris le mythe pour faire mousser la participation canadienne-française aux opérations militaires. Une magnifique affiche dans des tons saumon, plutôt bavarde, avait clamé: «Canadiens, suivez l’exemple de Dollard des Ormeaux. N’attendez pas l’ennemi au coin du feu, mais allez au-devant de lui. En avant Canadiens français.
    Enrôlez-vous dans les régiments canadiens-français.» Sur l’image au centre de l’affiche, le héros faisait face, seul, une hache à la main, à des hordes de barbares emplumés.
    Après la guerre, les élites de langue française prirent le relais et organisèrent une campagne de souscription pour financer l’érection d’un monument à Dollard au parc Lafontaine. Pourtant, en 1932 un historien de l’Université McGill, E. G. Adair, prononçait une conférence où il mettait en doute la grandeur du héros. Plutôt que de marcher à la mort pour sauver la Nouvelle-France, celui-ci se serait engagé dans la «petite guerre» pour sauver le commerce des fourrures! Bien plus, ajoutait l’iconoclaste, l’homme avait voulu faire oublier avec cette entreprise une «indélicatesse» commise avant son arrivée dans la colonie.
    Cette atteinte à l’intégrité du héros provoqua une levée de boucliers. Le chanoine Lionel Groulx battit la charge contre cet affront à la nation et à la foi des Canadiens français. L’agression n’avait fait qu’exacerber le culte de Dollard, qui resterait vivace encore pendant quelques décennies. Aussi en ce jeudi 24 mai 1939, ce fut au milieu de milliers de collégiens portant pantalon gris et veste marine que Renaud Daigle s’approcha de l’estrade dressée près de la statue de bronze. Ces jeunes étaient des membres de l’Association catholique de la jeunesse canadienne.
    Bien sûr, comme il convenait, un prêtre, l’aumônier de l’Association, commença de sa voix de prêcheur:
    â€” C’est à l’école de Dollard que se formeront les chefs aujourd’hui plus nécessaires que jamais.
    Le révérend père Joseph Paré, jésuite, enchaîna sur tous les dangers accumulés au-dessus de la tête du petit peuple.
    Celui-ci cherchait son guide, son chef, compléta mentalement Renaud, alors que le Portugal, l’Espagne et l’Italie avaient trouvé le leur.
    â€” Il est possible d’aimer sa mère, sans, pour cela, détester celle des autres. De même, en nous tenant à l’écart de toutes les stériles haines de race, non seulement il nous est permis, mais c’est pour nous une obligation, de nous développer dans le sens de notre

Weitere Kostenlose Bücher