L'Eté de 1939 avant l'orage

progresser plus sûrement dans l’étude de la question sociale. Quant aux dispositions de Lucifer envers le Christ, poser la question c’est la résoudre.
    Les Juifs! L’histoire du monde nous dit sans partialité que les Juifs n’ont pas voulu reconnaître le Christ nommé le Messie par Dieu. La preuve de leur attitude, c’est qu’ils l’ont fait mourir sur la croix en disant que Jésus était un imposteur.
    Ã€ compter de ce moment, Renaud Daigle décida de rester sur son siège jusqu’à la fin de la prestation de ce prêtre. Il comprit qu’il contemplait l’auteur du livre La Réponse de la race , publié en 1936 par un homme qui avait signé Lambert Closse [2] . À une époque où les intellectuels canadiens-français se préoccupaient de l’invasion des barbares venus d’Europe centrale ou de l’Est, ils aimaient utiliser des pseudonymes faisant référence aux héros de la lutte des «Montréalistes», les premiers Montréalais, contre les Iroquois désireux de les exterminer.
    â€” Complètement désorganisé comme peuple au point de n’avoir plus ni sacerdoce ni religion, le Juif a juré sur son âme de devenir un jour maître du monde, le roi puissant, riche et dominateur de tous les peuples. Le Juif ne vise qu’une chose: gagner de l’argent; c’est pourquoi on le trouve partout où il y a du commerce; d’où son internationalisme.
    Le curé récitait de mémoire de longs paragraphes de l’ouvrage de 1936, organisé comme un catéchisme que ses lecteurs — l’auteur s’adressait à des travailleurs, ce style savait les toucher — devaient apprendre par cœur. À la fin de sa péroraison, l’orateur invoqua certaines des vingt-deux résolutions du Protocole des sages de Sion .
    La liste de ces prétendues résolutions prenait la forme d’autant de crimes commis par les Israélites:
    â€” 1. Corrompre la jeune génération par des enseignements subversifs; 2. Détruire la vie de famille; 3. Dominer les arts par leurs vices; 4. Avilir les arts et prostituer la littérature; […] 7. Distraire l’attention des masses par des amusements populaires, des jeux, des compétitions sportives: amuser le peuple pour l’empêcher de penser; […] 16. Faire surgir des «Incidents» provoquant des suspicions internationales, envenimer les antagonismes entre les peuples, faire éclore la haine et multiplier les armements; 17. Accorder le suffrage universel, afin que les destinées des nations soient confiées à des gens sans compétence…
    Le prêtre s’arrêta quelques minutes plus tard. Le plus sérieusement du monde, il venait de débiter les principes formant la base de la doctrine nazie à l’égard de la «question juive», qui moins de trois ans plus tard exigerait une «solution finale» en Allemagne et en Europe occupée. Rendus responsables des guerres, de la misère, de la propagation de régimes politiques indignes comme le socialisme et la démocratie, ces gens devraient disparaître de la surface de la Terre pour restaurer la dignité des nations.
    Rien de ce que le conférencier avait débité ne manquait au livre La Réponse de la race . Quand André Laurendeau revint sur la scène afin de clore cette magnifique soirée, Renaud Daigle vit dans son attitude une nervosité nouvelle. Peut-être trouvait-il que son dernier orateur était allé un peu loin?

8
    Au moment de descendre le grand escalier, l’avocat aperçut Anatole Vanier, l’un de ses collègues de l’Université de Montréal et militant de choc de toutes les sociétés nationalistes et catholiques depuis plus de vingt-cinq ans. Il succéderait bientôt à Esdras Minville à la tête de la Ligue d’Action nationale.
    â€” Ah! Monsieur Vanier, vous me voyez terriblement impressionné par les orateurs qui ont défilé sur la scène, tellement que certaines de mes convictions ont été ébranlées.
    Renaud avait dit cela en souriant. Son interlocuteur le regarda quelques secondes, cherchant l’ironie dans la voix.
    Ne la trouvant pas, il déclara:
    â€” Monsieur Daigle, je suis heureux de l’entendre. Nous avons besoin de gens comme vous. Pouvons-nous en parler un