L'Eté de 1939 avant l'orage
pas. Il en serait quitte pour retarder un peu ses errances dans les grands magasins de la rue Sainte-Catherine. Des publicités dans les journaux lâavaient convaincu que des appareils radio et des phonographes plus performants que les siens le rendraient plus heureux.
â Monsieur Daigle, émit la voix de Davidowicz au téléphone, je viens de parler avec Ãlise. Le directeur de la prison me laisse appeler de son bureau. Nous nous soumettons à vos arguments: fini le secret, tout le monde sauraâ¦
â Je suis satisfait de vous voir raisonnable. Vous vous adresserez à la police.
â Jâaimerais que vous accompagniez Ãlise. Comme elle servira de témoin, câest elle que lâenquêteur voudra entendre.
Puis elle bénéficie de la liberté de ses mouvements, cela sâen trouvera plus facile.
â Dans ce cas, je devrai attendre quâelle vienne à Montréal.
â Elle réside déjà à Montréal. Elle possède une clé de mon domicile, vous la trouverez là . Je lui ai demandé de vous attendre pour aller à la police.
Un certain malaise envahit Renaud. Sans se croire particulièrement soumis aux convenances, que la maîtresse habite dans la maison dâun homme soupçonné dâavoir tué sa femme le laissait perplexe. Dire que ces gens-là craignaient le scandale! Dâun autre côté, lâattachement dâÃlise pour cet homme ne faisait aucun doute. La voie devenue libre, quâelle réside dans son domicile ne causait pas de mal à la victime, mais cela blesserait sans doute sa famille.
â Je la rejoindrai et conviendrai avec elle de la suite des choses, accepta Renaud après une pause. Avec un peu de chance, le capitaine Tessier se trouvera à son bureau.
Quand la sonnerie du téléphone retentit dans la maison de la rue Davaar, Ãlise Trudel sursauta, un peu comme si quelquâun lâavait surprise en flagrant délit dâindélicatesse. Il est vrai que dâavoir ouvert la penderie dans la chambre de Ruth Davidowicz, sa rivale maintenant à la morgue de Montréal, pour jeter pêle-mêle ses robes sur le lit en faisant les commentaires les plus désobligeants sur lâabsence de goût de leur propriétaire, jurait un peu avec son éducation reçue dans la Haute-Ville de Québec.
â Allô?
â Ãlise, je viens de parler avec Renaud Daigle. Il va essayer de joindre le policier de la ville dâOutremont chargé de lâenquête, le capitaine Tessier. Si lâhomme est là , il passera te prendre afin de te conduire au poste. Tu devras faire une confession générale.
â Si cet idiot avait orienté ses recherches du côté des nazis, ce ne serait pas nécessaire et je pourrais même conserver mon emploi!
â Mais il ne lâa pas fait. Si tu ne parles pas, je finirai au bout dâune corde.
Lâimpatience pointait dans la voix de son interlocuteur. Au ton employé, une seule réponse pouvait convenir:
â ⦠Oui oui, je vais y aller.
La brève hésitation nâincitait pas le médecin à allonger la conversation. à peine avait-elle raccroché que le téléphone sonnait de nouveau. Cette fois, Renaud Daigle annonçait son arrivée prochaine.
Un instant après avoir raccroché le téléphone, lâavocat marchait vers la rue Davaar. La distance ne rendait pas lâusage de son véhicule nécessaire, de plus les quelques minutes lui permirent de réfléchir à la situation. à mi-chemin entre le trottoir et la maison, lâavocat vit la porte sâouvrir sur Ãlise Trudel. Pâle, presque tremblante, visiblement très affectée par ce qui lâattendait, elle nâarrivait pas à se donner une contenance.
â Voulez-vous que lâon en parle un peu? Prendre du thé?
â Plus de thé! Jâai passé la nuit à en boire. Allons-y tout de suite. Quand ce sera terminé, jâutiliserai la médecine de mon père les jours dâinquiétude: deux ou trois grands verres de ginâ¦
Après une courte pause, elle ajouta, gênée:
â Ne croyez pas que je fais cela souvent. Mais aujourdâhuiâ¦
â Je mâempresse de téléphoner à la police. Si Tessier est absent, nous devrons remettre à plus tard ce pénible moment.
Lâofficier se trouvait
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