L'Eté de 1939 avant l'orage
là , ils se dirigèrent vers lâhôtel de ville. Quelques minutes plus tard, Tessier les reçut dans une petite salle de réunion. Son minuscule bureau, poussiéreux et encombré, ne convenait pas à une dame. Après quelques échanges sur un ton emprunté, le capitaine demanda:
â Vous avez quelque chose à me dire au sujet de Davidowicz?
â ⦠Au moment du meurtre, je me trouvais avec lui.
â Le dimanche, entre dix-sept et dix-neuf heures?
â Du samedi matin jusquâau lundi suivant.
Le policier jeta un regard curieux à lâavocat, qui leva les sourcils pour indiquer son propre agacement devant une confession si tardive.
â Ã quel endroit?
â Sainte-Agathe le samedi, puis à lâhôtel Mount-Royal.
â Au moment du meurtre?
â Au restaurant De Gascogne .
De façon très studieuse, lâagent prenait des notes dans son carnet. Ses questions précises lui permirent de connaître le détail des déplacements du couple. Il poussa le sérieux jusquâà demander où le médecin avait fait le plein lors de son périple jusquâà Sainte-Agathe, la marque et la couleur du véhicule.
Renaud devinait que lâenquêteur referait le même chemin, chercherait les personnes se souvenant de les avoir vus ensemble.
Quand sa soif dâinformations fut étanchée, Ãlise Trudel paraissait à la fois soulagée et épuisée. Après lâavoir remerciée avec une gentillesse qui tranchait avec son air renfrogné habituel, Tessier murmura:
â Monsieur Daigle, vous mâaccompagnez un moment dans mon bureau?
Lâavocat acquiesça. Un instant plus tard, la porte fermée dans leur dos, lâhomme retrouva son impatience pour déclarer:
â Pourquoi ne pas mâavoir dit cela depuis le début?
â Ils ne voulaient pas. Le scandaleâ¦
â Mais le scandale a été causé par leur silence. Si jâavais été au courant de cette histoire dès le lundi matin, je me serais précipité au restaurant, puis à lâhôtel, pour vérifier si des gens se souvenaient dâeux. Je ne lâaurais sans doute pas arrêté.
â Ces vérifications, vous pouvez toujours les effectuer.
â Je le ferai, bien sûr, mais plusieurs jours plus tard les souvenirs seront moins précis⦠Vous nâallez pas me demander de mâaccompagner, tout de même?
Le ton du policier ne rendait possible quâune seule réponse:
â Ãvidemment non. Vous êtes chargé de lâenquête.
â Mais des politiciens vous ont mis sur mon dos!
â Vous savez que ce genre de situation peut connaître des dérapages.
Un moment, lâenquêteur offrit un visage excédé, puis laissa échapper un long soupir. Lâintervention suivante de son vis-à -vis nâaméliora pas son humeur:
â Que va-t-il arriver à Davidowicz? Il sera libéré?
â En tant quâavocat, vous ne pouvez pas être ignorant à ce point. La décision revient au Procureur général. Je vérifierai la véracité de lâhistoire de la dame et remettrai mon rapport.
Bien sûr, le processus judiciaire devait suivre son cours.
Son interlocuteur risqua encore:
â Dans quelques jours, je pourrai venir aux nouvelles?
â Que je dise nâimporte quoi, vous viendrez. Ce sera à vos risques et périls.
Par de mauvais chemins où le printemps avait laissé des ornières profondes, plus de deux heures séparaient Sainte-Agathe de Montréal. Le plus simple aurait été de prendre le train: lâaller-retour se serait effectué dans une voiture de première classe, en feuilletant des magazines et en admirant le paysage. Pourtant, Renaud préférait conduire sa grosse Packard 1937 pendant des heures.
Le premier souci, dès lâarrivée, fut de trouver un endroit où manger. Le petit village comptait plusieurs hôtels et des restaurants. Depuis une vingtaine dâannées, le tourisme avait remplacé une agriculture peu rentable et le travail forestier.
Lâhiver précédent, plus de cent mille personnes étaient venues skier dans la région. Surtout, lâair frais revêtait des vertus thérapeutiques, des opportunistes en avaient fait une industrie.
En plus dâun sanatorium, de nombreuses maisons privées
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