Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
quittée avec joie. Pendant des mois, il s’était présenté auprès de ses amis comme le «fantôme du cinéma».
    Virginie trouva une dizaine de recommandations à lui répéter, auxquelles le gros homme répondit chaque fois avec un «Oui, bien sûr» d’une voix égale. À la fin, elle céda à l’impatience de sa fille qui trépignait en lui tirant la main et abandonna les lieux à son assistant.
    En descendant l’escalier, Renaud demanda:
    â€” Tu lui donnes les mêmes directives tous les soirs avant de partir, ou cette fois tu fais un spécial parce que tu quittes dix minutes plus tôt que d’habitude?
    â€” Je crois que je me révèle aussi insupportable tous les jours. En fait, je me suis retenue car j’avais des témoins.
    La jeune femme gérait le cinéma depuis un peu plus de cinq ans, après avoir aidé son prédécesseur pendant deux ans.
    Plutôt que de la voir déprimer parce qu’elle ne concevait pas d’autres enfants, Renaud lui avait proposé la chose au moment de l’annonce de la retraite du vieil homme. Quand Nadja prit le chemin de l’école un matin de septembre, à trente ans sa mère se dirigeait vers le théâtre pour occuper son premier emploi régulier. Le propriétaire de l’établissement et la gérante n’avaient qu’à se féliciter de l’initiative.
    Sa première action ce jour-là avait été d’engager un étudiant en rupture de collège et fâché avec sa famille, pour nettoyer les lieux en fin de soirée: Émile Chiasson. Maintenant, celui-ci pouvait la remplacer dans n’importe laquelle de ses fonctions.

    Quand la petite famille rentra à la maison, trois heures plus tard, après un repas à la terrasse du Café Pierre , la longue journée commençait à peser sur Renaud. Au moment de s’engager dans l’avenue de l’Épée, il dut s’appuyer à un poteau de téléphone, pris d’une quinte de toux. La mère et la fille, dans le halo d’un réverbère, échangèrent un regard inquiet. En se remettant en route, Virginie saisit son bras et demanda:
    â€” Dimanche, nous allons toujours à Sainte-Agathe?
    â€” Tu crois vraiment que c’est une bonne idée? Je me vois mal habiter là-bas cet été, et toi à Montréal.
    â€” Je te rejoindrai les fins de semaine, bien sûr.
    â€” Et à compter de la fin des classes, je serai avec toi, ajouta Nadja, pendue à son autre main.
    Ils continuèrent en silence jusqu’à la maison. Une fois passée la porte, la fillette étouffa un bâillement, s’enquit tout de suite auprès de Julietta, descendue pour vérifier qui entrait, de l’endroit où se cachait son chat. Alors qu’elle montait les marches quatre à quatre, Virginie utilisa son argument imparable:
    â€” Tu ne trouves pas Nadja un peu pâle? Le médecin m’assure que deux mois au grand air lui feront le plus grand bien. Elle devra travailler très fort à compter de septembre, dans sa nouvelle école.
    Bien sûr, dans cette maison personne ne pouvait refuser quoi que ce soit à la gamine, son père moins que les autres.
    â€” Si je vais là-bas, il faut que tu sois là toutes les fins de semaine, pendant deux jours, et pendant tout le mois de juillet.
    â€” Je ne peux pas abandonner le cinéma si longtemps.
    â€” Émile peut très bien prendre le relais.
    â€” Il travaille déjà cinquante heures par semaine.
    â€” Cela ne lui demandera pas plus de temps. Nous l’augmenterons. Voilà une éternité qu’il rêve d’automobile, il pourra enfin se payer sa petite Chevrolet.
    Elle commençait à faiblir, l’entente se conclurait bientôt.
    â€” Deux semaines en juillet.
    â€” Trois. Pas un jour de moins.
    â€” Entendu.
    Un baiser scella le marché. Tout le monde gagnait, dans cette histoire. Alors que Virginie croyait que la santé de Nadja avait fait fléchir son mari, celui-ci arrivait à ramener l’horaire de sa femme à des proportions plus raisonnables.
    Restait maintenant à trouver une maison.

    â€” Monsieur Daigle, monsieur, cria Julietta depuis la porte d’entrée de la maison, il y a quelqu’un au bout du fil pour vous.
    En maugréant, l’avocat revint sur ses

Weitere Kostenlose Bücher