L'Eté de 1939 avant l'orage
recevaient des malades atteints de tuberculose, ou alors simplement désireuses de se refaire une santé dans ce climat vivifiant.
Cela conférait de curieuses caractéristiques à lâarchitecture locale: les façades des résidences sâornaient de balcons sur lesquels pouvaient prendre place des chaises longues, et dâimmenses fenêtres laissaient entrer le soleil.
Une fois leur repas avalé dans le restaurant de lâhôtel Maurice, un vaste édifice confortable, Renaud sâengagea sur le Chemin-du-Tour-du-lac, jusquâà un chalet spacieux au revêtement de planches horizontales. Une galerie contour-nait presque la bâtisse, assez grande pour recevoir une large compagnie sur des fauteuils Adirondacks, tous placés de façon à permettre de voir lâétendue dâeau. Les cadres des fenêtres peints en vert, les arbres où les bourgeons ne pointaient pas encore, procuraient à lâensemble une allure sympathique.
Un homme les accueillit sur le pas de la porte, heureux de leur faire visiter les lieux. Ce notaire servait dâintermédiaire au propriétaire, à qui les misères de la crise pesaient au point de vouloir tirer un revenu de la location dâune résidence dâété. Au rez-de-chaussée, celle-ci comptait une cuisine bien équipée, une salle à dîner et une salle de séjour vastes, avec dâamples croisées donnant sur le lac. Les meubles vieillots, défraîchis, dataient de la décennie précédente. En plus dâune salle de bain complète, une dernière pièce offrait un espace de travail idéal, avec un large pupitre de chêne, une chaise recouverte dâun cuir usé, décoloré par endroits. Deux fauteuils de rotin permettaient dây recevoir des visiteurs.
à lâétage se trouvaient quatre chambres et une autre salle de bain. Les matelas répandaient une légère odeur de moisi. Les fenêtres ouvertes toute une journée suffiraient à résoudre cette difficulté. En redescendant, Renaud expliqua au notaire:
â Si vous voulez nous excuser quelques minutes, je dois consulter ces dames.
â Je vais sortirâ¦
â Non, non. Nous nous rendons un moment sur la galerie.
Un instant plus tard, assis sur trois chaises rapprochées les unes des autres, les yeux perdus dans le lac dâun bleu soutenu, lâavocat demanda:
â Alors, quâen pensez-vous?
â Georges aimerait certainement passer les vacances ici, risqua Nadja.
â Je comprends donc que ton chat voudra venir. Est-ce que tu seras prête à lâaccompagner?
â Oui, je viendrai avec lui.
Cette question réglée, Renaud interrogea son épouse du regard.
â Je serai là trois semaines. Au moins.
â Et toutes les fins de semaine?
â Toutes les fins de semaine.
â Tu te souviens que nous devons aller à New York en août? Cela fera encore une longue absence.
â ⦠Je me rappelle, admit la jeune femme après une hésitation.
â Bon, après une décision aussi rapide, jâaurai du mal à convaincre ce type de baisser son prix. Tant pis.
En réalité, rentré dans la maison son chéquier à la main, il nâessaya même pas de négocier. Dix minutes plus tard, lâavocat revenait avec un bail dâune durée de deux mois, la préférence sâil décidait de rester deux mois de plus, et deux jeux de clés. Au moment de mettre le chèque dans sa poche, le notaire avait précisé:
â Si vous vouliez acheter, le propriétaire acceptera certainement de réduire son prix du montant que vous venez de me donner.
â Mais nous nâen sommes pas là , de beaucoup sâen faut.Ensuite, la famille sâattarda tellement longtemps près du lac que la Packard ne revint à Montréal quâune fois lâobscurité tombée.
10
Une secrétaire, rejointe au téléphone dès lâouverture des bureaux, lâavait assuré que le doyen de la Faculté de médecine pourrait le recevoir en matinée. Après leur dernière rencontre, lâaccueil menaçait dâêtre orageux.
Un peu fourbu par son expédition dans les Laurentides de la veille, Renaud Daigle se présenta tôt le lundi 29 mai, rue Saint-Denis, à lâUniversité de Montréal. Ãtienne Pouliot se trouvait dans un
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