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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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quelqu’un dont les parents ne peuvent lui offrir la chance d’accéder à une carrière laïque.
    La religieuse ne cilla pas devant ces exigences. L’homme enchaîna:
    â€” Je suppose que vous saurez trouver une élève talentueuse et pauvre.
    â€” Nos écoles en sont pleines!
    Le visage de la femme exprima un grand dépit. La ville regorgeait de familles acculées à la faillite. En ce printemps de 1939, le chômage touchait quinze pour cent des travailleurs canadiens. Montréal en comptait plus que son lot.
    â€” J’aimerais connaître le nom, l’adresse et les résultats scolaires de cette jeune personne, quand vous l’aurez choisie.
    â€” Vous désirez qu’elle vous écrive?
    â€” Pas tout de suite en tout cas. Je détesterais qu’elle établisse le lien entre sa présence ici et moi. Sinon le fait de côtoyer Nadja la mettrait dans la gêne.
    â€” C’est très généreux…
    â€” S’il vous plaît, ne dites rien de plus. Je vous verse aujourd’hui l’avance demandée pour deux élèves. Vous lui donnerez accès à tous vos services.
    En fait, parce que Renaud aurait trouvé naturel de payer des impôts pour rendre l’école accessible à tous les enfants talentueux, il voulait assumer sa petite part de la justice distributive. Chez les Jésuites, un garçon profiterait des mêmes avantages. Préparer le futur de deux inconnus faisait le plus grand bien à son ego.

    Le lendemain matin, le 30 mai 1939, tous les journaux rendaient compte de la grève des internes de l’Hôtel-Dieu.
    Depuis toujours, Renaud parcourait tous les quotidiens, le samedi et le dimanche il ajoutait les hebdomadaires. La Presse se désolait de l’intolérance de ces jeunes gens qui menaçaient de rendre difficile l’accès à la profession médicale à un homme talentueux. Le Devoir , tout en évoquant l’obligation de tous les catholiques de traiter de façon généreuse les personnes subissant l’infortune d’appartenir à une autre religion que la vraie, félicitait au contraire les valeureux disciples d’Esculape qui se lançaient à la défense de leur «race». Le journaliste rappelait même que les règlements municipaux permettaient aux établissements de santé de refuser les malades d’une autre confession que la leur, à moins d’une situation d’urgence. En fait, comme on regroupait les enfants et les enseignants dans les écoles selon leur appartenance religieuse, une partie des bonnes gens de Montréal semblait croire qu’il devait en aller de même des patients et des médecins.
    â€” Bon, j’essaierai de parler à ces excités! marmonna l’avocat en terminant sa lecture. Mais cela ne donnera rien.

    Où trouver des internes en grève? Le meilleur endroit demeurait sans doute dans les environs de l’Hôtel-Dieu.
    Inutile de déclencher un mouvement pareil sans multiplier les efforts pour se faire voir. Un peu avant midi, Renaud stationnait sa voiture dans la rue Saint-Urbain, à proximité du vieil hôpital. Il avait bien deviné: une dizaine de jeunes hommes vêtus d’un sarrau blanc faisaient le pied de grue près de l’entrée. Des passants s’arrêtaient parfois pour parler avec l’un ou l’autre. Il lui sembla reconnaître un journaliste de La Presse parmi les badauds. Son interlocuteur était un petit personnage portant des lunettes à monture métallique: le porte-parole de ses camarades. Autant attendre un moment pour s’adresser à lui.
    Quand le scribouillard s’esquiva, l’avocat lui succéda:
    â€” Puis-je échanger quelques mots avec vous?
    â€” Et qui veut profiter de ce privilège?
    L’interne, de près, trahissait une peau grasse, boutonneuse, des dents mal alignées et jaunies par la cigarette. Ses patients souhaiteraient garder quelque distance avec lui.
    â€” Renaud Daigle.
    â€” Ah! L’avocat du Youpin.
    â€” … Comme vous me connaissez déjà, vous accepterez de me dire votre nom.
    â€” Certainement. André Blanchet, un nom chrétien.
    L’interne en venait directement au cœur du sujet, sans tergiverser!
    â€” Comme vous avez visiblement parlé au doyen Pouliot, puisque mon identité vous est familière, vous savez le

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