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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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thé dans de petites tasses de porcelaine blanche tout en répondant en riant:
    â€” Je serais très surpris d’atteindre de tels sommets.
    â€” Comment vas-tu faire? Parcourir les rues à la recherche des nazis et leur demander s’ils ont tué Ruth Davidowicz?
    â€” Non, je te l’ai dit, Bronfman a quelqu’un dans leurs rangs.
    â€” Il a son propre réseau d’espionnage?
    L’idée semblait tellement étrange à la jeune femme que l’ironie teintait sa voix.
    â€” Il paraît que oui. Selon lui, le contraire serait très dangereux. Mieux vaut ne pas être le dernier à apprendre qu’il existe une conspiration contre les Juifs, quand on appartient à cette communauté.
    â€” Surtout quand on a autant à perdre que lui. Comment vas-tu rejoindre cet informateur?
    Virginie buvait son thé à petites gorgées, songeuse. Depuis qu’elle connaissait Renaud, elle l’avait vu s’engager dans de nombreuses entreprises don quichottesque s, mû à la fois par un désir de justice et une insatiable curiosité.
    â€” D’après ce que j’ai compris, quelqu’un me contactera.
    â€” Sais-tu où, et quand?
    â€” Aucune idée.

    D’abord, il ne se passa rien, tellement que Renaud pensa que Bronfman devait avoir changé d’idée. Puis, le jeudi, une lettre sans aucune trace de sa provenance lui fixait un rendez-vous au milieu de l’après-midi du jour suivant, à la cafétéria du grand magasin Dupuis Frères. L’établissement de plusieurs étages, dressé au coin des rues Berri et Sainte-Catherine, se présentait comme la maison de commerce des Canadiens français. L’idée semblait excellente: à cette heure du jour, la clientèle exclusivement féminine papotait au-dessus de tasses de thé ou de café et de petits gâteaux. L’avocat essaya de passer inaperçu derrière le numéro du matin de La Presse .
    Une tasse à portée de main, son chapeau de paille sur la chaise à côté de lui, il s’absorba dans la lecture pendant une demi-heure, au point de sursauter au moment d’entendre:
    â€” Monsieur Daigle, je suppose?
    Renaud leva la tête pour voir devant lui un homme de taille moyenne, le visage émacié, des lèvres minces s’ouvrant sur des dents carnassières. Au vêtement, on devinait un ouvrier: une vareuse de toile bleue et une chemise à carreaux, des pantalons bruns. Les yeux gris immobiles, avec dans le regard une lueur inquiétante parfois, laissaient toutefois pressentir une occupation moins innocente.
    â€” Oui c’est moi, monsieur…
    â€” Alfred Côté fera très bien l’affaire, fit l’autre en tendant la main.
    Machinalement, Renaud se leva à demi pour la serrer, indiquer d’un signe la chaise devant lui.
    â€” Désolé pour le petit retard, mais je tenais à m’assurer que personne ne s’attachait à vos trousses.
    â€” Vous… vous croyez que quelqu’un pourrait me surveiller?
    â€” Je ne sais pas, mais je préviens les mauvaises surprises.
    Mes relations habituelles se surprendraient de me voir avec un avocat d’Outremont qui se lance à la défense des internes juifs.
    â€” Vous devez redoubler de précautions quand vous rencontrez votre employeur.
    â€” J’aimerais que vous ne fassiez jamais allusion à cette personne. Le secret professionnel est pour moi plus vital qu’il ne le sera jamais pour aucun avocat.
    Quelque chose dans le ton fit comprendre à Renaud que mieux valait ne jamais transgresser cette règle. Chercher à deviner dans quelles circonstances Bronfman avait recruté un pareil personnage, quel genre de services il avait pu lui rendre au fil des ans, occuperait de longues heures, sans jamais lui permettre de trouver quoi que ce soit.
    â€” Entendu. Vous devez toutefois m’entretenir de vos découvertes. Vous êtes proche des milieux nazis?
    â€” Je suis membre du Parti de l’Unité nationale, à la tête des légionnaires.
    L’homme assis devant Renaud faisait face au mur. Tout de même, sa voix devint un murmure. Quand une serveuse vint prendre sa commande, il se contenta d’un café. Ce ne fut qu’après que la jeune fille le lui eut apporté que l’avocat enchaîna:
    â€” Je ne suis pas familier avec cette

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