L'Eté de 1939 avant l'orage
organisation. En quoi consistent ces légionnaires?
â Nous sommes presque tous des vétérans de la Grande Guerre. Nous représentons le bras armé du Parti, en quelque sorte, inspiré à la fois des Sections dâassaut de Hitler et de la Légion étrangère en France.
â Il y a aussi les Casques dâacier.
â Un autre bras arméâ¦
Côté eut un sourire cynique.
â Ces gens-là aiment se donner une allure virile, martiale.
Les uniformes les plus sinistres, les marches, lâentraînement militaire, les séjours en forêt, entre hommes, tout cela pour réveiller en nous les valeurs guerrières de nos ancêtres de la Nouvelle-France. Alors, les corps paramilitaires se multiplient. Tout cela en calquant le plus possible ce qui se déroule en Allemagne.
â Fidèle à quel point, ce calque? La violenceâ¦
â Lâinquiétude de celui auquel vous avez fait allusion tout à lâheure. Jusquâà maintenant, cela se limite à beaucoup de bruit.
â Personne dâassez fou pour tuer une femme?
â Comme Ruth Davidowicz? Improbable.
Du murmure, ils étaient passés au souffle à peine audible.
Autour dâeux, les ménagères soupçonneraient peut-être un conciliabule amoureux.
â Pourquoi ne venez-vous pas les rencontrer? continua lâinformateur. Vous jugerez par vous-même si les assassins sont si nombreux parmi eux.
â Les visiter?
â Nous recrutons. Si vous le désirez, demain je peux vous emmener dans nos locaux. Ensuite, il y aura une petite fête dans une taverne.
â Normalement, la fin de semaine je dois me rendre dans les Laurentides.
Son vis-Ã -vis lui adressa un sourire moqueur avant de murmurer:
â Les travailleurs nâont quâune seule journée de congé, le dimanche. Et encore, bien des personnes nâen profitent même pas. Alors, nos rencontres ont lieu le samedi soir, monsieur lâavocat.
Une fois le mandat de Bronfman accepté, les obligations suivaient. Impossible de se dérober.
â Jâirai. Où cela se passera-t-il?
â Je viendrai vous chercher. Jâespère que vous possédez des vêtements moins voyants?
â Quelque chose de plus sombre?
Alfred Côté laissa échapper un rire tout à fait silencieux avant de dire:
â Quelque chose de moins bourgeois prospère dâOutremont. Chez nous, les ouvriers, ou les chômeurs, sont les plus nombreux. Habillé comme vous lâêtes aujourdâhui, vous seriez visible comme un nez au milieu du visage.
â Je ne vois pas vraiment⦠Jâai sans doute des habits vieux de quelques années.
â Quand vous vous occupez de plomberie ou de jardinage, que portez-vous?
Le regard de lâavocat indiqua que celui-ci nâeffectuait ni plomberie, ni jardinage.
â Ãa va, je mâen chargerai, consentit lâinformateur. Tout de même, essayez de dénicher ce que vous possédez de plus démodé, de préférence des couleurs sombres. Je vous rejoindrai chez vous vers dix-sept heures.
â Jâhabite Outremontâ¦
â ⦠sur lâavenue de lâÃpée, oui, je sais.
Bien sûr, avant dâentrer en contact avec lui, Alfred Côté avait pris ses informations. Peut-être même lâavait-il suivi un moment. Quelques instants plus tard, les deux hommes se quittaient sur une poignée de main.
Les railleries de Virginie ne lui laissèrent aucun répit.
Après toutes ses remontrances au sujet de la nécessité de sâaccorder des vacances, voilà quâil se dérobait. De longues discussions lui permirent néanmoins de mettre ses deux femmes dans le train le samedi 10 juin, avec la promesse de venir les chercher à la gare le lendemain soir. Quand elle se rendit compte que Renaud ne voulait pas que les membres de sa famille soient en contact avec lâinformateur de Bronfman, son épouse accepta de sâéloigner avec Nadja.
Laissé seul avec Julietta, lâavocat fouilla dans des malles à la recherche des vêtements les plus défraîchis quâil possédait.
En fait, ses plus mauvais habits dataient de deux ans à peine et ils auraient convenu à la plupart des circonstances. Le reste était allé à des Åuvres de charité.
Heureusement, Alfred Côté cogna à la porte Ã
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