L'Eté de 1939 avant l'orage
dans le véhicule. Après sâêtre essuyé la bouche avec une serviette de papier, il raconta son échange avec Arcand et ses principaux lieutenants.
â Croyez-vous que lâon peut faire confiance à leurs dénégations? demanda Renaud, sceptique.
â Arcand avait bien entendu parler de rumeurs reliant le Parti de lâUnité nationale et la mort de Ruth Davidowicz, ce qui semblait lâembêter au plus haut point. Cela peut nuire au recrutementâ¦
â Ou favoriser celui des plus radicaux.
â Ils ne sont pas les plus nombreux. Avec une histoire pareille, il perdra dix membres potentiels pour en gagner un.
Déjà , la menace de guerre avec lâAllemagne inquiète des sympathisants. Si on ajoute à cela lâinterdiction de réunion dans les parcs et les marchés publics que Montréal vient de décréter contre nous, le Parti de lâUnité nationale connaîtra sans doute une certaine défaveur.
Bien sûr, pour obtenir un appui populaire, mieux valait présenter une certaine respectabilité. Toutefois les nazis ne désiraient habituellement pas arriver au pouvoir par des voies démocratiques. Même si Adolf Hitler avait utilisé ce chemin, il nâavait pas tardé à adopter des mesures énergiques pour ne plus sâexposer à lâincertitude des urnes.
â Mais quâespère ce type, exactement? Parvenir au gouvernement par la force, quand les légionnaires et les chemises noires deviendront assez puissants?
â Honnêtement, après trois ans près dâeux, je ne sais pas trop ce quâil cherche. à lâentendre, bientôt les Canadiens comprendront quâil est le grand homme, le chef que tout le monde appelle de ses vÅux. Ce jour-là , il accédera à la tête du pays, porté par la volonté populaire, en quelque sorte.
â Vous croyez à cela? Franco ne sâest pas retrouvé au pouvoir par la résolution du peuple, mais grâce à lâarmée.
Sans compter quâon ne peut pas imaginer les anglophones trouver leur Führer chez les Canadiens français. Ce gars-là est fédéraliste, mais jâai du mal à lâimaginer ralliant tout le monde autour de lui, comme lâa fait Wilfrid Laurier.
Alfred Côté fit un signe de dénégation avant de répondre:
â Je ne dis pas que je le crois. Je vous explique tout simplement ce quâArcand affirme, ou laisse sous-entendre. Je ne suis même pas certain quâil donne foi à ses propres fadaises.
â Alors, que pensez-vous? insista Renaud.
â Vous savez, il y a des gens qui préfèrent être premiers dans un trou comme Saint-Faustin plutôt que de se retrouver second à Montréal. Arcand nâallait nulle part à La Presse . Il ne comptait pour rien au sein du Parti conservateurâ¦
â Et il est le premier au Parti de lâUnité nationale. Mais ce véhicule ne le conduira pas au pouvoir. Je suppose que même les habitants de Saint-Faustin ne voudraient pas de lui comme maire.
Alfred Côté avait repris la route. Comme ils risquaient dâarriver longtemps avant le début de lâassemblée, prévue pour vingt heures, il roulait lentement, les glaces baissées, une bouteille de Coca-Cola à la main.
â Mais mille militants lâappellent Pontifex Maximus . Une ou deux fois par semaine, quelques centaines, parfois quelques milliers de personnes lâacclament lors de réunions publiques. Il est le premier quelque part.
â Tout de même, câest un bien petit mouvement. Aucune ambition plus grandiose?
â Comme se retrouver au pouvoir une fois que lâEmpire britannique sera devenu nazi, avec Mosley à sa tête? Bien sûr il lâévoque, mais il nâest pas assez bête pour y croire.
Lâavocat prit la dernière gorgée de sa boisson gazeuse avant de demander encore:
â Lui et les autres grosses légumes du Parti vivent richement?
â Plutôt bien, mais tout de même plus modestement que vous, répondit lâautre, de lâironie dans la voix.
â Mais mon argent ne me vient pas des cotisations des membres dâun parti nazi. Car je présume que lâorganisation entretient le «pontifesse».
Des politiciens fédéraux avaient affirmé que Paul Bouchard, lâéditeur du journal dâextrême
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