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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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suffira.
    —    Je te conseille de privilégier les espèces sonnantes et trébuchantes. Mon père n’est pas un homme de sentiments.
    Une fois encore, je sentis l’amertume qui le remplissait. Je savais aussi, mieux que personne, qu’il avait raison. Son père était aussi dénué de morale que je l’avais été. Une partie de moi l’enviait. Ma vie avait été beaucoup plus simple avant qu’on ne m’afflige d’une conscience. Quant à sa relation avec son fils, je ne pouvais imaginer ce qu’un viandard de son espèce avait pu faire subir à un être aussi sensible.
    —    Alors, affaire conclue, dis-je.
    Je retournerais dans le Sud dès que j’aurais mis la main sur la seconde part de la Vérité, mais sans Guy de Montfort. Et pour une fois, je n’avais aucun scrupule à utiliser quelqu’un pour parvenir à mes fins. Au contraire, l’ironie qu’un Montfort joue un rôle, même involontaire, dans le regroupement des deux parts et dans leur éventuelle révélation, me séduisait grandement.
    Dès lors, le jeune Montfort, rassuré sur la suite des choses, fut de commerce agréable et m’étonna même en riant à quelques reprises. Pour le reste du voyage, nous ne reparlâmes plus de sa mission. Je savais ce que je devais savoir et lui ne savait rien de plus. Nous devions donc attendre d’être arrivés à Gisors. Une fois là, nous verrions bien ce qui se produirait.
    L’avant-dernier jour, la majorité du convoi se détacha et partit en direction de Paris. Seuls Pierrepont et sa vingtaine d’hommes, ainsi que quelques marchands - de victuailles ou d’amour - poursuivirent leur route vers Gisors, de sorte que nous n’étions plus qu’une quarantaine. Lorsque nous fûmes à proximité de Rouen, nous ne nous y arrêtâmes pas et filâmes droit vers notre destination.
    La dernière journée de notre voyage s’écoula rapidement. Tous étaient impatients d’en finir avec cet interminable pèlerinage dans le froid, la neige, la pluie et la boue, pour se retrouver enfin au chaud et au sec. Pierrepont n’avait sans doute pas rendu public le fait que le repos risquait fort d’être de courte durée, mais ses hommes étaient endurcis et se plieraient à ses ordres.
    Nous arrivâmes à Gisors sans tambour, ni trompette, alors que le soleil commençait à descendre. Le temps était doux et la bonne humeur, générale. À l’horizon, j’aperçus d’abord l’église et les nombreuses maisons étalées au pied d’une haute muraille. Nous entrâmes dans la ville. Marchands et putains se dispersèrent aussitôt dans les rues. Je m’excusai auprès de Guy et éperonnai Sauvage pour aller rejoindre sire Alain.
    —    Sire, fis-je quand je fus parvenu à sa hauteur. Puisque vous m’avez placé en charge du jeune Montfort, où dois-je le conduire ?
    —    Par ordre de sire son père, ce freluquet est sous ma responsabilité, grogna-t-il. Il logera dans la forteresse, avec le reste de mes hommes. Et toi aussi. Un messager a annoncé notre venue au seigneur de l’endroit, Jehan de Gisors, et tout est arrangé. Ton petit chéri aura les quartiers douillets que requiert sa délicate personne et tu les partageras avec lui. Vous aurez toute l’intimité que vous souhaitez. Si j’étais toi, je prendrais garde à mon trou du cul.
    Voilà que le bougre laissait entendre que j’étais un sodomite. Il me fixa droit dans les yeux avec un air de défi. Je serrai les dents pour maîtriser l’envie de lui enfoncer mon poing dans la figure. Il n’avait aucune importance. Il n’était qu’un pion sur l’échiquier. Seule comptait la seconde part. Je fis faire demi-tour à Sauvage et pris congé en le remerciant sèchement de la tête. Alors que je m’éloignais, je l’entendis ricaner.
    Je m’en retournais vers Guy pour l’informer des arrangements lorsque je croisai trois hommes à cheval vêtus de la livrée rouge, jaune et blanche de Pierrepont. L’un d’eux était immense, un autre de taille moyenne et le dernier, tout petit. Ils portaient un heaume à nasal qui masquait en partie leur visage. Deux avaient la barbe fournie, l’autre n’en avait point. J’allais passer près d’eux sans leur accorder d’attention lorsque, subitement, le plus grand me saisit le bras droit au passage. Sans même y penser, je secouai ma senestre pour faire surgir les deux lames de mon gant.
    —    Alors, Gondemar, tu ne salues plus tes vieux amis ? Tu ne serais pas repassé dans le camp des

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