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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Quand nous nous arrêtions pour passer la nuit, il se trouvait toujours un bourg à proximité, d’où des marchands et des catins, attirés par le profit, venaient à notre rencontre pour nous proposer leurs marchandises respectives. Ce fut le cas près d’Orléans, de Chartes et de Dreux.
    Pernelle, Ugolin et Jaume restèrent discrètement en queue de peloton, alors que je continuai à chevaucher en compagnie du jeune Montfort. Depuis notre départ de Rossal, le jeune seigneur était ébranlé. Déjà marqué par l’affreux bûcher que son père croyait avoir réservé à mon cadavre à Carcassonne, il en avait vu un autre de très près. Il s’était une fois de plus retranché dans le mutisme. Je savais que le fait d’avoir été incapable d’allumer le bûcher de Gerbaut avait été pour lui une nouvelle humiliation. Il avait dû sentir entre ses omoplates les regards méprisants des soldats de Pierrepont et avait certes imaginé sans peine les sourires narquois qui avaient traversé leurs visages.
    Tout cela ne m’importait guère. Il pouvait bien se morfondre autant qu’il le voulait et macérer dans sa misère. Seul comptait le fait que, sans le savoir, il me guidait vraisemblablement vers la seconde part de la Vérité. Pour cela, je devais conserver toute sa confiance. Ironiquement, la dépression dans laquelle il se trouvait représentait une occasion de me rendre encore plus indispensable à ses yeux. Plus que jamais, j’étais pour lui la seule personne vers laquelle il pouvait se tourner, et je devais en profiter. Dès la première journée, j’abordai le sujet avec lui, alors que nous chevauchions en direction d’Orléans.
    —    Ne vous en faites pas, sire, dis-je. Vous n’êtes pas un guerrier et tout le monde le sait déjà. Les événements de Rossal n’ont rien montré de nouveau et il est inutile de les remâcher sans cesse. Ce qui est fait est fait.
    Il me dévisagea et je lus dans ses yeux une profonde reconnaissance.
    —    Comment se fait-il que tu me comprennes si bien, Gontier ? Un homme comme toi devrait pourtant être de la même opinion que tous les autres.
    —    La vie m’a appris à ne pas juger hâtivement autrui, sire. Chacun de nous a ses faiblesses, dis-je, mes paroles reflétant mon propre sort. Le jugement appartient à Dieu seul.
    —    Dommage que tous n’aient pas ta sagesse.
    —    L’homme est une bête cruelle. Il dévore sans remords ceux qu’il considère comme plus faibles. Point ne sert de lui en tenir rigueur : c’est sa nature.
    —    En me demandant d’allumer ce bûcher, Pierrepont voulait m’humilier, continua Guy avec amertume. Et il a bien réussi. Il savait que j’en serais incapable.
    —    Ça oui, il le savait. Il n’apprécie pas d’être en charge de votre personne et c’était sa façon de vous le faire savoir une nouvelle fois.
    Il soupira longuement en regardant droit devant lui.
    —    J’ai essayé, Gontier, de toutes mes forces. Si, pour une fois, j’avais pu me conduire comme mon père l’a toujours voulu. Être une bête semble pourtant si facile. Mais je n’ai pas pu.
    —    On ne fait pas un loup d’une brebis en lui offrant des canines, sire. Vous en auriez été incapable même si votre vie avait été en jeu.
    Il fit une grimace de dégoût et je sentis presque le frisson qui lui remontait le long de l’échine.
    —    Je sais. Je revoyais le corps de ce Gondemar de Rossal, à Carcassonne. Je ne pouvais m’imaginer être celui qui causerait toutes ces souffrances, même si le vieux était fou à lier. Je ne sais pas comment tu as fait.
    —    Bof. Cette comédie avait assez duré. Et puis, j’ai beaucoup tué. Le geste n’avait pas la même portée pour moi.
    —    Il m’arrive d’envier les hommes tels que toi. Votre existence doit être si facile. Tout y est noir ou blanc.
    Je me contentai de hausser les épaules. Ce jeune homme ne pouvait savoir à quel point le noir et le blanc de ma propre vie avaient muté en une infinité de tons de gris, chacun me torturant l’âme et la chair. Ma seule certitude était que je devais naviguer à l’aveuglette, au prix de mon salut éternel. Et pour cela, j’avais besoin de Guy de Montfort.
    —    Il ne faut pas dramatiser, finis-je par dire. Je peux vous assurer que même si vous aviez allumé le bûcher, vous n’auriez pas gagné le respect de Pierrepont et de ses hommes. Ils auraient simplement trouvé

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