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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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croisés, par hasard ?
    Je souris en reconnaissant la voix profonde et calme d’Ugolin. Tout en faisant rentrer les lames, je jaugeai les deux autres de plus près et reconnus, de chaque côté de la pièce de fer qui recouvrait leur nez, les yeux de faucon de Jaume et ceux, de ce vert foncé et profond qui était entré dans mon cœur dès mon enfance, de Pernelle.
    —    Bougre de Dieu, dis-je, amusé. C’est plutôt à vous que je devrais poser cette question ! Je présume que quelque part le long du chemin, trois hommes de Pierrepont gisent les fesses à l’air ?
    —    On peut dire ça, oui, rétorqua le Minervois en caressant d’un geste entendu la dague qui était passée dans sa ceinture. Mais, rassure-toi, ils ne sentent pas le froid.
    —    Nous nous sommes dit, Ugolin et moi, qu’il nous serait plus facile de rester près de toi et de ton mignon compagnon si nous faisions partie des troupes de Pierrepont, expliqua Jaume.
    Pernelle rajusta maladroitement le heaume trop grand qui glissait sur sa tête.
    —    Ho ! Quel terrible soldat ! m’écriai-je avec dérision en la voyant ainsi accoutrée. Je me rends !
    —    Je t’interdis de rire, sot ! grommela-t-elle.
    Je me tournai vers Ugolin, qui observait la scène en essayant de retenir le sourire qui s’apprêtait à éclairer son visage.
    —    Tous les hommes de Pierrepont logeront ensemble dans la forteresse, les informai-je. La petite a beau porter une cotte de mailles, une livrée et un heaume, elle ne passera pas inaperçue très longtemps.
    —    Tu serais surpris, dit Jaume. Dame Pernelle, montrez-lui.
    —    Le faut-il vraiment ? gémit cette dernière.
    —    Tôt ou tard, vous devrez vous y résoudre.
    Pernelle soupira et retira son heaume. Malgré moi, j’écarquillai les yeux. Elle avait les cheveux courts, coupés à la garçonne. Le barbier avait fait un bien piteux travail et il ne se trouvait pas deux mèches d’égale longueur sur tout son crâne. Pour faire bonne mesure, Ugolin et Jaume lui avaient barbouillé la figure de poussière, de sorte que, avec ses dents gâtées et sa peau piquée de vérole, elle avait l’air de n’importe quel jeune garçon après des semaines de route.
    —    Foutre de Dieu. m’exclamai-je. On dirait un jeune page.
    —    Hrmmmmph. se contenta-t-elle de grogner.
    —    Elle s’est soumise à nos bons soins avec une admirable résignation, expliqua Jaume en souriant.
    —    La chair est sans importance, confirma Pernelle, mi-figue, mi-raisin. Et puis, mes cheveux repousseront. Si nous parvenons à nous emparer de ces fichus documents, mon sacrifice aura été bien modeste.
    —    Justement, à ce sujet.
    Je leur relatai à toute vitesse ce que j’avais appris de sire Guy : que c’était bien d’un document dont il devait prendre livraison à Gisors, qu’il lui était interdit de le lire ou de le montrer, et qu’il devait repartir avec celui-ci dès que les troupes fraîches seraient prêtes.
    —    On dirait que c’est bien ce que nous cherchons, dit Ugolin.
    —    Je le crois, oui. Aussitôt qu’il l’aura en main, je vous le ferai savoir.
    Jaume désigna la tête de notre petit convoi, qui avançait dans les rues vers la forteresse.
    —    Il est temps de nous mêler aux troupes.
    —    Tu vois cette grosse tour, au sud-est de la muraille ? demandai-je.
    —    La ronde aux murs épais ?
    —    Oui, retrouvons-nous là au coup de minuit pour faire le point.
    Sans rien ajouter, nous nous séparâmes, mes trois compagnons pour rejoindre les hommes de sire Alain, et moi pour retourner auprès de Guy, que j’informai des arrangements qui le concernaient.
    La forteresse de Gisors était différente de celles du Sud, où la plupart étaient perchées sur des sommets escarpés auxquels elles semblaient s’accrocher de toutes leurs griffes pour ne pas tomber. Celle-ci se trouvait sur un terrain plat et, chose étrange, ses murailles n’encerclaient pas la ville. Au contraire, c’était la ville qui l’encerclait. Je n’arrivais pas à comprendre qu’on laisse ainsi la populace à la merci d’une attaque, mais je savais, par mes discussions avec le marchand, que la forteresse avait été construite pour protéger la frontière et, le cas échéant, pour abriter les rois et leurs troupes, pas le petit peuple.
    Nous traversâmes donc d’abord la ville sous le regard indifférent de la population qui vaquait à

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