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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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travers le gant de cuir.
    —    Elle te fait mal ?
    —    Un peu.
    —    Depuis longtemps ?
    —    Une semaine, peut-être.
    —    C’est l’humidité et le froid. Le contact avec le métal n’aide pas, évidemment. Essaie de la garder au chaud.
    —    Plus facile à dire qu’à faire, ces temps-ci, maugréai-je.
    Un grincement suivi d’un claquement nous firent sursauter
    et nous nous plaquâmes contre la muraille. Je levai la tête. Sur le chemin de ronde, j’aperçus Pierrepont dans la lumière de la lune. Il venait de sortir de la Tour du Prisonnier. Il était accompagné de deux hommes que je n’avais encore jamais vus. L’un d’eux, petit et trapu, avait la chevelure châtaine qui volait au vent et une barbe clairsemée. L’autre, plus grand et mince comme un fil, le visage lisse, portait ses cheveux bruns soigneusement attachés sur la nuque.
    —    Qu’est-ce qu’il faisait là-dedans, celui-là ? marmonna Ugolin. Il n’est pas hébergé dans le corps de logis ?
    —    Tantôt, devant sire Jehan, il a mentionné qu’il attendait des nouvelles de seigneurs anglais, chuchotai-je. Montfort l’a chargé de lui obtenir des troupes supplémentaires. Il doit s’agir de leurs émissaires. Pierrepont préférait sans doute traiter avec eux dans l’intimité.
    —    Peut-être aussi s’agit-il simplement d’officiers de la garnison avec lesquels il entretient des liens d’amitié, suggéra Jaume.
    J’ai cru comprendre que la salle des gardes se trouvait au rez-de-chaussée de la tour. Pour autant que nous le sachions, ils ont simplement pris un pot en parlant du bon vieux temps.
    Nous regardâmes les trois hommes discuter un moment, la distance nous empêchant de saisir leurs propos. Puis ils se séparèrent. Les deux inconnus rentrèrent dans la tour et Pierrepont parcourut le chemin de ronde jusqu’à l’escalier qui menait vers la cour intérieure. Une fois là, il se dirigea d’un pas ferme vers le corps de logis et y disparut.
    —    Brrrrr... Dieu fasse que nous puissions quitter cet endroit au plus vite, maugréa Pernelle en se frottant les bras avec ses mains. Je me sens comme un poulet au milieu d’une meute de renards endormis. J’ai l’impression qu’au moindre faux pas je ne serai plus qu’un tas de plumes.
    —    Tu n’es pas la seule. Restons prudents et patients. Montfort n’a pas envoyé son fils jusqu’ici à l’aveuglette. On finira bien par lui remettre le document.
    Jaume m’empoigna le bras et m’adressa un regard intense.
    —    N’oublie pas ta promesse, Gondemar. Tu me le laisses.
    Je hochai la tête.
    —    Bon, retournons chacun chez nous et retrouvons-nous demain à la même heure. Et faites attention à la petite, avertis-je Jaume et Ugolin.
    —    Ne crains rien.
    —    Gondemar ? fit Pernelle avant de partir.
    —    Quoi ?
    —    Lave bien ces morsures, dit-elle, un sourcil relevé marquant sa désapprobation. Elles pourraient s’infecter. On ne sait jamais où sont passées celles qui laissent des marques pareilles.
    Embarrassé, je ne trouvai rien à répondre et nous nous séparâmes. Lorsque je réintégrai nos quartiers, le jeune Montfort dormait toujours. Je retirai ma capeline et me dirigeai vers le feu, qui s’était éteint. J’y mettais une bûche lorsque la voix de Guy, épaisse de sommeil, s’éleva.
    —    Où étais-tu ? demanda-t-il.
    —    Dehors, sire.
    —    Que faisais-tu ?
    —    Je pissais, sire.
    —    Il y a un pot de chambre dans le coin.
    —    Peut-être, mais je préférais le faire à l’extérieur.
    —    Loin de moi, tu veux dire, fit-il, amer. Si cela peut te rassurer, ta pendeloche m’indiffère, Gontier. Tu n’es pas. mon type d’homme.
    —    Vous m’en voyez ravi, sire. Vous n’êtes pas le mien non plus.
    Nous nous regardâmes un instant puis nous esclaffâmes. Montfort se rendormit, convaincu d’avoir en moi un ami fidèle. Pour ma part, je savais qu’un des prix du salut de mon âme était sa mort. Je m’endormis dans la plus parfaite tranquillité.

Chapitre 15 Secretum Templi
    Pendant six jours, rien ne se produisit. Guy était de plus en plus inquiet et je le surprenais souvent en train de se ronger les ongles, qu’il avait raccourcis jusqu’au sang et dont il crachait nerveusement les rognures par terre. Je n’étais pas tranquille, moi non plus, cela va de soi. J’essayais de ne pas penser au fait

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