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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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comme un taureau, je me retournai vers Pierrepont.
    —    Explique-toi, crachai-je. Et tu as intérêt à ce que ton histoire soit convaincante car je te jure sur le peu d’âme qui me reste que je t’étriperai avec mes doigts avant que tes hommes n’arrivent à m’arracher de toi.
    Sire Alain s’approcha et écarta les bras en signe de paix.
    —    Tu n’entends pas ce que je te dis, mon frère. Je n’ai jamais affirmé que la seconde part de la Vérité était perdue, déclara-t-il calmement. Seulement que l’Ordre des Neuf de Gisors n’est pas en mesure de te la remettre.
    —    Tu as affirmé toi-même que vous veilliez sur elle ! Et si deux des Neuf ont contacté Montfort pour la lui remettre, c’est qu’ils savaient où la trouver, non ? Les instructions que tu as reçues lors de ton élection sont claires : tu dois te soumettre au Lucifer désigné ! Je suis celui-là !
    —    Je l’admets, Gondemar. Tu possèdes le sceau du Cancellarius Maximus et tu es en droit d’exiger qu’on te remette ce que tu demandes.
    —    Alors ? criai-je, exaspéré.
    —    Nous ne pouvons te donner les documents parce que, depuis leur arrivée à Gisors, en 1187, nous n’avons jamais su où ils se trouvaient. Nous avons toujours pris pour acquis que, le moment venu, le Lucifer saurait où les retrouver. Or, tu sembles l’ignorer. De toute évidence, nous faisions erreur.
    Mon rêve récent me revint en tête. J’ignore où se trouve exactement la seconde part. Je t’ai livré le message qu’on m’a confié en 1187. Je ne peux pas t’aider davantage. Personne ne connaît précisément l’emplacement exact des deux parts. La seule mission du Cancellarius Maximus est de mettre le Lucifer sur la piste de la part qu’il ne détient pas déjà. Rien de plus.
    La frustration prenant le dessus, je lançai contre le mur le bout de cassette que je tenais encore.
    —    Par le cul du diable, que faites-vous ici, si vous ne savez pas où se trouve ce que vous devez protéger ? Vous contentez-vous de convoquer des conseils pour boire tranquillement du bon vin en écoutant votre gros moine pontifier ? Peut-être Guillot vous divertit-il en vous racontant les bûchers qu’il a allumés ?
    À mes paroles, le moine se renfrogna et fit mine de s’insurger, mais un geste de Pierrepont le fit taire. Le Magister me désigna le fauteuil que j’avais quitté.
    —    Assieds-toi, Gondemar, et discutons calmement, tu veux ?
    —    Ai-je vraiment le choix ? pestai-je.
    Maîtrisant avec peine ma colère, je retournai prendre place. Pierrepont s’assit dans son fauteuil et fit signe à Thury de renouveler le vin de tout le monde. Il but une gorgée et ferma les yeux avant de reprendre la parole.
    —    Depuis 1187, l’Ordre des Neuf veille sur la Vérité, dans le Nord comme dans le Sud, expliqua-t-il. De votre côté, Ravier de Payns a jugé que la sécurité des documents résidait dans leur perpétuel déplacement et ce n’est que récemment, alors que la menace de croisés s’accroissait, que la première part a été ramenée à Montségur pour y être déposée dans le temple qui l’attendait.
    —    Je sais tout cela. Abrège ! coupai-je.
    —    Du nôtre, poursuivit-il, les choses ont été planifiées autrement par les familles fondatrices. Pour ajouter une précaution supplémentaire, sans doute, ceux qui ont envoyé les documents de Terre sainte ont fait en sorte que les Neuf du Nord ne sachent jamais où ils se trouvaient et n’en protègent que la piste.
    Il se leva et se dirigea vers Jehan de Gisors, sur l’épaule duquel il posa une main.
    —    Nous sommes tous trop jeunes pour l’avoir vécu, mais sire Jehan était présent lorsque la seconde part est arrivée à Gisors. Il pourra te raconter mieux que moi comment le frère Baroche a procédé.
    Le vieillard se redressa de son mieux et hocha la tête.
    —    Baroche, oui, fit-il. Je me souviens de lui comme si c’était hier. C’était bien avant tous ceux qui sont ici maintenant. Il n’était qu’un frère servant, vêtu du manteau noir des Templiers. Un petit noiraud à l’air triste, et manchot en plus. On lui avait tranché le bras droit à l’épaule, sans doute au combat. Je me rappelle m’être demandé pourquoi Robert de Sablé avait confié une mission aussi importante que le transport de la Vérité à un frère mineur et infirme de surcroît. Mais la suite des choses a prouvé

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