L'Etoffe du Juste
avec la certitude d’avoir découvert la fameuse chapelle.
Chapitre 18 Vitriol
La nuit venue, les membres des deux Ordres étaient réunis autour de l’autel. Malgré l’urgence de la situation, je ne pus m’empêcher de remarquer les regards noirs que Pernelle adressait à Guiburge, qui lui retournait un sourire arrogant. Je savais fort bien que mon amie n’était pas jalouse, mais qu’elle en voulait à cette femme de prétendre à la place de Cécile.
Insensible à ces considérations, j’avais brièvement exposé la théorie d’Ugolin.
— Une fosse ? Ici même ? fit Pierrepont, interdit. Allons donc ! Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chose. Et toi, Jehan ?
— Non, fit le vieux seigneur en secouant la tête avec scepticisme. Pourtant, je fréquente le temple depuis plus de trente ans.
— Nous verrons bien, dis-je. Ugolin ?
À mon signal, le Minervois s’accroupit près de l’autel et se mit à en examiner les côtés, sous les rebords du plateau.
— J’ai trouvé, annonça-t-il après un court moment.
Il appuya quelque part près de l’angle le plus éloigné. Un déclic retentit et le meuble pivota sur lui-même, révélant la fosse rectangulaire que nous avions soupçonnée. Elle était identique à celle où Montbard avait presque été jeté par Eudes après avoir perdu une jambe et où nous avions par la suite disposé des corps de Daufina et d’Albin de Hautpoul. Penchés sur l’ouverture béante, Pierrepont, Guiburge, Thury, Guillot, Jehan et les autres arboraient le même air ahuri.
— Bougre, murmura le Magister, que je sois damné si je connaissais l’existence de ce mécanisme.
— Elle a été aménagée pour disposer des cadavres, comme à Montségur, expliquai-je.
— Si je l’avais su voilà quelques semaines, nous n’aurions pas eu à enterrer nos deux traîtres en pleine nuit.
— Je ne comprends pas comment le secret a pu s’en perdre, dit sire Jehan.
— C’est sans doute qu’il n’a jamais été partagé parce que Sablé l’a voulu ainsi, suggérai-je.
Je décrochai du mur la torche la plus proche et revins vers la fosse. Je m’allongeai sur le ventre et enfonçai les flammes aussi loin que je le pus, sans parvenir à voir le fond. J’examinai les parois. Elles étaient lisses comme les fesses d’un bébé et aucune prise n’indiquait que la fosse était aménagée pour qu’on puisse y descendre.
— Quelqu’un a une pièce de monnaie ? dis-je en tendant la main.
Pierrepont fouilla sous sa robe et en tira un denier qu’il me donna. Je le laissai tomber dans la fosse et il fallut plusieurs secondes avant qu’il n’atteigne le fond et que son tintement nous revienne.
— Elle est aussi profonde que la nôtre, remarqua Ugolin, mais elle donne sur du sec. De la pierre, on dirait.
— Raison de plus pour aller voir, suggéra Jaume.
Je venais tout juste de sortir la tête de l’ouverture lorsqu’un nouveau déclic résonna. L’autel s’anima soudain et reprit sa position initiale avec un claquement sec.
— Morbleu ! rageai-je, ébranlé. Une seconde de plus et je me faisais décapiter !
Ugolin se pencha, actionna le mécanisme et le fit pivoter à nouveau. Nous attendîmes quelques minutes et pûmes tous entendre le léger bruit de ressort qui nous avait échappé auparavant, avant que l’autel ne reprenne encore sa place.
— À la différence de celui de Montségur, l’autel est conçu pour se refermer après un certain temps, expliqua Jaume. Ingénieux.
— Et dangereux, ajoutai-je en me frottant machinalement le gosier. Assurons-nous de bien le bloquer.
Jaume décrocha l’écu templier du mur pour le coincer sous l’autel afin de l’empêcher de bouger, gardant ainsi la fosse ouverte en permanence. Comme elle ne pouvait que m’embarrasser dans l’espace réduit où je devais descendre, je remis Memento à Pernelle, mais, par précaution, décidai de garder ma dague. Puis je revêtis le plastron, les jambières et le gantelet que Pierrepont avait fait amener à ma demande.
— La mendiante m’a dit de faire attention au vitriol et, malgré les belles théories alchimiques du moine, c’est exactement ce que j’ai l’intention de faire, expliquai-je en apercevant les regards perplexes dont j’étais l’objet. Le métal résistera certainement mieux à l’acide que ma peau.
Je cherchai une approbation auprès de
Weitere Kostenlose Bücher