L'Etoffe du Juste
véridique. Après tout, il me l’avait confiée alors qu’il me faisait confiance et ignorait mon identité. Je changeai donc de tactique.
— Quand ton père t’a-t-il avisé que tu devais partir ?
— Dès son retour de Castelnaudary. Le lendemain du bûcher, il m’a expliqué ce qu’il attendait de moi.
J’appuyai un peu plus et il grimaça de peur.
— Je t’ai dit tout ce que je savais, gémit-il entre deux sanglots. Je le jure.
— Le serment d’un Montfort ne vaut rien, rugis-je.
Je plongeai mes yeux dans les siens. À travers les larmes qui s’en échappaient en abondance, je n’y vis que de la peur. J’eus beau y chercher de la duperie ou du calcul, je ne les trouvai point. Il haletait et ses lèvres tremblaient. Je n’apprendrais rien de lui. Il n’avait été qu’un messager utilisé par son père. Que cela me plaise ou non, il disait vrai. Les deux traîtres identifiés par Pierrepont avaient bel et bien offert à Simon de Montfort de lui remettre la seconde part. Mais l’avaient-ils jamais possédée ?
Par frustration, j’assénai un dernier coup de poing au visage de Guy, qui tomba lourdement sur le plancher de pierre froide. Puis je lui enfonçai mon pied dans le ventre. Sans me retourner, je déverrouillai la porte de la cellule, sortis et refermai derrière moi. En m’engageant dans l’échelle qui menait au rez-de-chaussée, j’entendis des pleurs de l’autre côté de la porte.
Quand je sortis de la Tour du Prisonnier, je raccompagnai Pernelle, Ugolin et Jaume jusqu’à l’étable. Là, je récupérai Memento. Puisqu’on connaissait mon identité, il ne servait plus à rien de la cacher. Puis je me dirigeai droit vers la taverne. Comme je l’avais espéré, Guiburge s’y trouvait. À mon grand bonheur, l’endroit était vide et elle allait fermer. Elle ramassait les gobelets et les cruches parsemés sur toutes les tables.
— Tu acceptes encore des clients ? demandai-je.
— Non.
— Ah., fis-je, cachant mal ma déception.
Elle verrouilla la porte, puis me posa la main sur l’entrejambe en serrant assez fort pour me faire grimacer, ce qui provoqua instantanément l’effet qu’elle recherchait.
— Mais tu es le bienvenu, Gondemar, ajouta-t-elle, une expression sans équivoque sur le visage.
Tout se passa aussi vite que la première fois. En moins de deux, elle se retrouva à plat ventre sur une des tables, la jupe retroussée, ses ongles rentrés dans la chair de mes cuisses, après lesquelles elle s’agrippait. J’empoignai ses cheveux, l’empalai et la montai comme une bête, la bousculant tant et si bien que les gobelets qu’elle n’avait pas encore ramassés se retrouvèrent sur le plancher. Les cris qui lui échappèrent trahirent le plaisir qu’elle tirait de ce rude traitement.
Lorsque nous fûmes remis de nos émois, nous prîmes quelques minutes pour retrouver notre souffle. Puis elle recommença à ranger comme si rien ne s’était produit.
— Alors, le jeune Montfort a dit quelque chose d’intéressant ? s’enquit-elle.
— Non, il ne sait rien de plus.
— Tu ne l’as pas trop abîmé, au moins ?
— Ne crains rien, j’ai ménagé ton petit ami.
Elle s’arrêta et se retourna.
— Que veux-tu dire ?
— Je vous ai vus discuter ensemble, l’autre jour.
— Et alors ? Je discute avec tous mes clients. Et puis, je savais qui il était. Par inadvertance, il aurait pu échapper quelque chose d’utile au sujet de la seconde part.
— Et ?
— Rien de mon côté non plus.
Je voudrais pouvoir dire que je l’aidai à mettre de l’ordre avant de partir, mais il n’en fut rien. Je la repris plutôt deux fois avec la même énergie. Lorsque je la quittai enfin, je portais de nouvelles morsures et j’avais du mal à garder l’œil ouvert tant j’étais épuisé.
Les nuits se déroulèrent à un rythme d’enfer. Tous les membres de l’Ordre les passèrent à fouiller jusqu’à l’aube, ne dormant que quelques heures durant le jour. Comme promis, j’avais rejoint Pierrepont et Thury pour les aider à examiner les fondations du donjon. J’avais passé des heures à quatre pattes, à scruter le moindre interstice sans rien trouver.
Le troisième jour, lorsque nous décidâmes d’aller nous reposer, il faisait jour. Nous sortîmes par l’unique porte et émergeâmes dans l’enceinte intérieure, perchée au sommet de
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