Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
Vom Netzwerk:
Rossal ; que j’étais damné ; qu’au fond la cause de la Vérité était pour moi l’instrument de mon salut personnel. Mais tout cela était un fardeau que je ne pouvais pas partager. J’étais seul parmi les vivants. Un mort en sursis. Tu iras en enfer et Dieu te punira en t’en libérant ! Tu erreras parmi les hommes sans trouver le salut ! avait tonné Gerbaut de Gant devant l’enfant que j’avais été. Comme il avait eu raison.
    Distraitement, je me mis à faire tourner l’anneau de cheveux de Cécile autour de mon annulaire.
    —    Tu penses souvent à elle ? s’enquit-elle en désignant mon geste de la tête.
    —    Chaque jour que Dieu me donne, répondis-je. Malgré les faiblesses de ma chair, il n’y a qu’elle pour moi.
    —    Je sais bien, mon ami. Elle te manque à ce point ?
    —    Plus que je ne saurai jamais l’exprimer. Avec elle, je me sentais. vivant.
    —    Elle n’en mène sans doute pas plus large que toi, dit Pernelle. Elle t’aime, tu sais. Elle me l’a dit.
    Je me contentai de hocher la tête.
    —    Quand nous aurons récupéré les documents, tu la retrouveras, dit-elle en posant sa main sur mon bras pour le serrer affectueusement. Ne désespère pas.
    Elle se détacha de moi, frissonna et s’enveloppa dans sa capeline. Je compris alors qu’elle m’avait accompagné par amitié et qu’elle était, elle aussi, au bord de l’épuisement.
    —    Viens, dis-je en l’entraînant vers la porte de l’enceinte. Il fait froid et tu dois dormir. J’ai déjà trop abusé de toi.
    —    Ta présence n’est jamais un abus, Gondemar.
    Bras dessus, bras dessous, nous redescendîmes jusqu’à la résidence de sire Jehan, où je la laissai avant d’aller rejoindre Jaume et Ugolin pour m’écrouler sur ma paillasse, tout habillé.
    Je venais de pénétrer dans l’enceinte du donjon. Même de dos, je la reconnus sans peine et mon cœur tressaillit d’allégresse. Cécile. Elle était loin de Gisors, mais dans mon rêve il était tout à fait normal qu’elle s’y trouve et je ne m’en étonnai point. Elle se tenait devant le puits et faisait tourner la manivelle du treuil pour remonter la chaudière. Je m’arrêtai pour admirer ses fesses, que sa posture faisait agréablement bomber.
    J’allais me décider à la rejoindre pour la prendre dans mes bras et lui embrasser la nuque, comme j’aimais tant le faire, lorsqu’elle finit de remonter la chaudière et la prit dans ses mains. Elle regarda à l’intérieur et se mit à taper rageusement du pied en maugréant. Je m’approchai.
    — Cécile, que se passe-t-il ? lui demandai-je.
    Elle se retourna vers moi, mais ne me sourit pas.
    —    Le puits est tari, me répondit-elle avec la tristesse dune fillette ayant perdu sa poupée.
    —    C’est impossible, fis-je.
    Je me penchai sur la margelle pour regarder au fond.
    —    Il était plein voilà une heure. Je le sais, j’y ai bu avec Pernelle.
    —    Il l’était aussi quand je suis arrivée. Mais maintenant, il est vide.
    —    Allons, ce n’est pas si grave. Nous sommes ensemble.
    —    Seulement parce que ta vieille garce n’est pas disponible !
    —    C’est toi que j’aime, Cécile. Tu le sais, non ?
    —    Oui, répondit-elle en baissant les yeux.
    Je la pris dans mes bras et, après avoir un peu résisté, elle finit par s’abandonner. Je l’embrassai enfin. La sensation de ses lèvres était toujours aussi douce et je me sentais merveilleusement bien. À ma place. Le simple contact de son corps félin contre le mien me faisait oublier Guiburge et toutes mes difficultés.
    —    Viens, murmurai-je lorsque nos bouches se séparèrent, j’ai du vin chez moi.
    Elle gloussa et me prit la main. Ensemble, nous quittâmes l’enceinte du donjon et nous rendîmes jusqu’au corps de logis où j’habitais. En chemin, nous croisâmes un homme vêtu d’une capeline au capuchon remonté. Je n’avais pas besoin de voir son visage pour savoir qu’il s’agissait de Simon de Montfort, mais il ne parut pas me reconnaître. Je me retournai pour le voir se diriger vers le donjon. Intérieurement, je ricanai. S’il avait soif il serait bien déçu et j’en étais fort aise.
    Contrairement à mon habitude, je m’éveillai bien après que le soleil se soit levé. De toute évidence, j’étais aussi fatigué que mes compagnons. Dans la pièce que nous partagions, Jaume et Ugolin dormaient encore

Weitere Kostenlose Bücher