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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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avec plus de conviction que je n’en éprouvais. J’ignore pourquoi, mais c’est un fait. Nous y arriverons.
    —    Que Dieu t’entende, mon frère. Que Dieu t’entende.
    Il hocha sèchement la tête en guise de salut, fit demi-tour et disparut dans la nuit, me laissant avec mes compagnons.
    —    Je vais dormir, dit Jaume, les traits tirés. Tu as eu une fort bonne idée. Je ne tiens plus debout.
    —    Moi non plus, renchérit Ugolin. Lorsque je ferme les yeux, je rêve sans cesse que je creuse et je me réveille encore plus épuisé.
    —    Bien, dis-je. Reposez-vous. Je vais marcher un peu.
    Je les regardai s’éloigner en constatant à quel point leur pas était traînant. Les pauvres n’avaient pas dormi dix heures en deux semaines et leur fatigue était criante. J’avais besoin d’eux et ils n’accompliraient rien de bon si je continuais à les pousser à bout.
    —    Tu as sommeil ? demandai-je à Pernelle, qui était encore à mes côtés.
    —    Oh oui ! Comme jamais dans ma vie. Mais je crois que j’ai oublié comment dormir, soupira-t-elle.
    —    Marche un peu avec moi, alors.
    —    Pourquoi pas ? Ça te permettra de résister à la tentation d’aller visiter Guiburge et de te faire griffer jusqu’au sang.
    —    À ce sujet.
    —    Laisse, Gondemar, je sais fort bien que les envies d’un homme ne se domptent pas aisément. Au moins, la bougresse est plus que consentante. Et ne crains rien, si je revois Cécile un jour, je garderai le secret. Il ne servirait à rien qu’elle l’apprenne. Mais pour l’amour d’elle, même si vous n’êtes pas unis devant Dieu et les hommes, essaie de modérer tes transports.
    Profondément mal à l’aise, je ne dis rien. Pernelle passa son bras sous le mien et, ensemble, nous nous mîmes à déambuler dans la forteresse, qui était tranquille à cette heure tardive. Nous longeâmes la muraille puis le hasard de nos pas nous conduisit vers le donjon. Nous gravîmes la pente abrupte de la motte, mon amie s’agrippant à mon bras pour compenser la faiblesse de sa jambe trop courte, et pénétrâmes dans l’enceinte. Une fois là, j’admirai encore la magnifique tour octogonale qui se détachait, à la fois impressionnante et lugubre, sur un fond de lune froide.
    —    Tu as soif ? dis-je en apercevant le puits.
    —    Oui, un peu.
    —    Viens.
    Nous nous rendîmes au puits et, à l’aide de la chaudière qui était suspendue au treuil, je puisai un peu d’eau que je lui servis avec la louche de bois attachée à la margelle. Elle en but quelques gorgées et me tendit le reste pour que je me désaltère à mon tour. Puis nous nous adossâmes au puits et regardâmes les étoiles sans parler. Comme à chaque fois, je ne pouvais m’empêcher de songer que la Création aurait été parfaite si l’homme n’y avait pas été déposé. Sur ce point, les cathares semblaient avoir vu juste : l’incarnation dans la chair ne pouvait que procéder du Mal puisqu’elle n’apportait que souffrance et malfaisance.
    —    Tu crois que nous y arriverons ? demanda soudain mon amie.
    —    Je ne sais plus, répondis-je avec franchise en passant ma main sur mon crâne, où les cheveux commençaient à repousser. Je l’espère.
    —    Au pire, si jamais nous ne retrouvons pas les documents, les chances sont faibles pour que les hommes du pape y parviennent. Perdus pour tous, ils resteront en sécurité. C’est toujours ça de pris, tu ne crois pas ?
    —    C’est une manière de voir les choses. Mais ils ne pourraient pas non plus être révélés. Et puis, on ne sait jamais, Montfort ou Arnaud Amaury seront peut-être plus fins que nous. Ils ont prouvé qu’ils sont tout sauf idiots.
    —    Merci.
    —    De quoi ?
    —    De m’avoir enlevé mon seul réconfort, gros bêta, ricana-t-elle tristement.
    —    Désolé.
    Pernelle se blottit contre moi et j’enveloppai ses épaules de mon bras. Nous restâmes silencieux, chacun de nous perdu dans ses propres pensées, mais trouvant un peu de paix dans la présence de l’autre. Je chérissais ces instants d’intimité pure et simple avec Pernelle, qui représentaient une des rares choses vraies dans mon existence. En même temps, ils ravivaient en moi la culpabilité de ne jamais pouvoir lui dire ce que j’aurais tant eu besoin de crier pour délester ma conscience : que j’avais assassiné de mes mains toute la population de

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