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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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griller vivants.
    —    Pas si l’on comprenait la marque d’infamie, intervint Guillot, redevenu pompeux, l’index brandi. Souvenez-vous de l’acronyme. Igne Natura Renovatur Integra : par le feu, la nature est entièrement rénovée. En alchimie, le feu purifie la matière. Les intrus, c’est-à-dire nous, sont des impuretés de cet endroit. Ceux qui l’ont bâti étaient familiers avec l’Art royal. Pour qui savait la comprendre, l’inscription était un avertissement. Il lui suffisait d’enjamber le filin tout en se baissant pour ne pas toucher l’autre.
    —    Alors pourquoi n’as-tu rien dit avant, gros prétentieux ? éclata Pernelle. Tu sais toujours tout, mais jamais quand il le faut ! A posteriori, n’importe qui paraît bien !
    Sur le sol de pierre, les flammes étaient hautes et la chaleur intense. Une fumée épaisse en montait et s’accumulait sous la haute voûte de la cathédrale. Heureusement, comme le feu n’avait rien à consumer, il s’éteignit de lui-même. Au sommet des deux colonnes, j’aperçus deux vasques de métal reliées à un pivot. Le filin était tout ce qui les retenait en place. Dès qu’il avait été brisé, elles s’étaient renversées. Je notai que les deux autres étaient encore intactes.
    —    Pressons-nous, nom de Dieu, grondai-je. Nous devons être remontés avant le jour. Assurez-vous de ne pas toucher le fil.
    Le premier, je posai les pieds sur les pierres dont la chaleur traversa les semelles de mes bottes. Mes compagnons m’emboîtèrent le pas. Un à un, avec une précaution infinie, nous nous penchâmes pour ne pas effleurer le filin dont l’intégrité représentait la différence entre la vie et une mort atroce.
    —    Ouille ! Ouille ! fit Guillot, en dansant d’un pied sur l’autre, sans sandales, sur les pierres brûlantes. Un moine qui se brûle cruellement la plante des pieds, qui s’en soucie ?
    —    Qui, en effet ? railla Ugolin. Ton église te fera peut-être saint. Offre tes souffrances pour le pardon de tes péchés, gros paillard.
    Lorsque le danger fut derrière nous, nous allumâmes les dernières torches, illuminant la cathédrale dans sa totalité, nous étions à l’extrémité. L’autel que nous avions aperçu de loin était en tous points semblable à ceux des temples des Neuf à Montségur et à Gisors, sinon qu’il était deux fois plus gros. Mais autre chose retint davantage notre attention.
    Devant nous se déployait ce qui, dans une véritable cathédrale, aurait été le chœur. L’endroit était une véritable vision d’apocalypse. Jusqu’au faîte de la voûte, le mur tout entier était recouvert de scènes sculptées, toutes plus horribles les unes que les autres. Ici, une femme pendue, le cou brisé, la langue entre les dents, la tête penchée à un angle qui n’avait rien de naturel. Là, un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants enveloppés par les flammes d’un bûcher, leurs visages contorsionnés en un rictus de souffrance, mais les yeux levés avec espoir vers les cieux. Ailleurs, des innocents livrés au bourreau qui leur rompait les os, leur brûlait les chairs et leur sectionnait des doigts. Autre part, des femmes éplorées tenaient dans leurs bras les corps sans vie de leur époux ou de leur enfant. Dans chaque scène, en arrière-plan, le même personnage : un pape coiffé de la tiare de son office, un sourire d’extase sur les lèvres, les mains jointes en une obscène prière. Tout n’était que persécution et haine. Je compris qu’il s’agissait d’une chronique des malheurs subis par ceux qui avaient connu la Vérité et qui l’avaient protégée. Un ultime reproche fixé pour toujours dans la pierre par ceux qui avaient construit ce refuge.
    Derrière l’autel, au cœur des révoltantes fresques, une statue grandeur nature, peinte elle aussi, était disposée dans une alcôve en ogive. Elle représentait un homme trapu, aux épaules larges. Il tenait un glaive dans une de ses mains massives d’ouvrier. Il était vêtu d’un simple pagne et ses pieds étaient chaussés de sandales. Sa chevelure frisée lui tombait sur les épaules et sa barbe drue et abondante lui couvrait les joues jusque sous les yeux. Sur son côté gauche, je pouvais apercevoir la plaie qu’avait laissée la lance du soldat romain. Mais ce qui me frappa fut son visage. Il n’était ni serein ni résigné. L’artiste y avait sculpté une expression de défiance, et un sourire

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