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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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volontaire de son géniteur, ni son autorité naturelle. Le regard au sol, les épaules voûtées malgré son jeune âge, il semblait timide et effacé. Intimidé, même.
    Moi qui avais cru remonter incognito vers Gisors, voilà que je me retrouvais dans le même convoi que le fils et un proche du pire ennemi de la Vérité. Devais-je y voir quelque chose de plus qu’un simple hasard ? Plusieurs explications étaient possibles. D’après les propos du marchand, il se trouvait sous la protection de cet Alain de Pierrepont, qui était lié à Gisors. Pourquoi voyageaient-ils ensemble ? J’avais appris, devant Béziers, que la famille de Montfort possédait des domaines à Rambouillet, près de Paris, et à Leicester, en Angleterre. Peut-être le marchand avait-il raison en supposant qu’une négociation était en cours pour obtenir des troupes anglaises ? Après tout, les événements récents avaient démontré que les croisés n’étaient pas assez nombreux pour prendre tout le Sud et qu’il était possible de leur résister. J’en avais moi-même fait la preuve. S’ils ramenaient davantage de soldats à la prochaine quarantaine, leur tâche serait facilitée d’autant. Or, avec un pied dans chaque royaume, les Montfort étaient les intermédiaires parfaits entre la France, l’Angleterre et le pape pour obtenir de nouvelles troupes. Il était donc logique que Simon envoie son fils pour mener les négociations. En tout cas, l’hypothèse avait du sens.
    D’un autre côté, il n’était pas à exclure que Montfort ait appris que la seconde part de la Vérité se trouvait à Gisors et qu’il ait dépêché son fils et Pierrepont pour la récupérer. Mais ne se serait-il pas plutôt chargé lui-même d’une tâche aussi capitale ? Il existait un Ordre des Neuf à Gisors et je savais d’expérience que la trahison y était chose possible. Un traître lui avait peut-être fait parvenir des informations. Sinon, comment aurait-il pu l’apprendre ? Maintenant que la mendiante était morte, j’étais, avec Pernelle et Ugolin, dont je répondais de ma vie, le seul à connaître le secret. Et encore, je savais que ce que je cherchais se trouvait dans une chapelle qui n’avait jamais vu la Lumière, mais tout le reste était à faire. Je ne détenais aucune assurance de succès, une fois sur place. Peut-être le fils se rendait-il à Gisors, comme moi, dans l’espoir d’en retrouver la piste ? Métatron m’avait prévenu en rêve : les ennemis de la Vérité la cherchaient déjà. Soudain, l’avertissement prenait une tournure un peu trop réelle à mon goût.
    Peut-être aussi me cassais-je inutilement la tête. Le jeune Montfort pouvait simplement avoir été délégué par son père pour passer en Angleterre depuis la Normandie et voir aux affaires familiales à Leicester. Après tout, un domaine ne devait pas être négligé éternellement et son seigneur était dans le Sud depuis presque trois ans. Sa seigneuresse, dame Alice, l’y avait même rejoint, disait-on. Une absence de cette sorte ne pouvait qu’entraîner le désordre.
    En réalité, j’ignorais de quoi il retournait. Mais si la vie que j’avais menée depuis ma résurrection m’avait appris quelque chose, c’était bien la méfiance. Plus que jamais, je devrais être sur mes gardes.
    Pas tout à fait tranquille, je fis demi-tour et repris mon chemin vers notre coin du camp. Lorsque je fus de retour, pressé de partager ce nouveau développement avec Pernelle et Ugolin, je tombai sur une grande commotion. Un groupe de femmes frénétiques et quelques soldats bien imbibés formaient un cercle autour de deux combattants et les encourageaient avec enthousiasme. Curieux, je m’approchai et aperçus deux silhouettes qui se battaient - ou, plus justement, une silhouette qui en battait une autre. Quelques pas de plus et, à ma grande consternation, je reconnus Ugolin. Il tenait un petit gros par le col de chemise et le malmenait avec enthousiasme, lui abattant à répétition sur le visage l’enclume qui lui servait de poing. La face de l’autre commençait à ressembler à un quartier de viande crue. L’homme ne tenait encore debout que par la force du bras du Minervois. Un peu à l’écart, Pernelle observait la scène, une main couvrant la grimace de dégoût qui déformait sa bouche.
    Je m’approchai et attrapai au vol son poignet alors qu’il allait frapper à nouveau.
    —    Suffit, grondai-je.
    Il me regarda, la déception se

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