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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Maintenant, le voilà croisé. Encore récemment, il a participé à la bataille de Castelnaudary aux côtés de Simon de Montfort. On dit qu’il est très aimé du général et de monseigneur Arnaud Amaury, le légat de Sa Sainteté Innocent.
    Je sentis une alarme monter en moi. Un proche de Montfort, qui avait livré bataille à ses côtés, se trouvait quelque part dans ce camp. Un homme qui avait auparavant tenté de prendre Gisors et qui y retournait maintenant. Ces coïncidences me troublaient.
    —    Et il retourne déjà dans le Nord ? Peut-être n’est-il pas aussi apprécié que ça, suggérai-je.
    —    Oh, ne crains rien, ricana le marchand. Le printemps venu, il redescendra dans le Sud, j’en suis sûr. Le diable d’homme ne se priverait pas d’une bonne bataille pour tout l’or du monde. Il a sans doute une affaire pressante à régler. Les maudits hérétiques résistent plus qu’on ne le croyait. Peut-être est-il chargé de négocier avec des seigneurs anglais pour obtenir des troupes supplémentaires. Sinon, il se rendrait dans ses terres, en Picardie, et non pas à Gisors. Et puis, ce n’est sans doute pas pour rien que le sieur de Montfort voyage en sa compagnie.
    Je sursautai malgré moi.
    —    Montfort ?
    —    Oui, le voilà justement, fit mon interlocuteur en désignant du menton un endroit derrière moi.
    1
    Qui ne dit rien consent.
    2
    L’homme est un loup pour l’homme.

Chapitre 8 Apparition
    Je dus blêmir de quelques tons en entendant le nom de celui qui, entre tous, pouvait faire échouer la mission qui m’était impartie et ruiner mes chances de sauver mon âme. Si je tombais face à face avec Simon de Montfort avant d’atteindre Gisors, j’étais perdu.
    La dernière chose que je désirais était d’attiser sa curiosité. Je me fis violence pour rester calme et je me retournai avec le plus grand naturel possible. Dans la lumière des flammes, deux silhouettes s’approchaient. L’une d’elles était celle du soldat que Montfort avait expulsé avec colère de sa tente alors que je m’étais glissé dans son camp pour retrouver Pernelle. Par-dessus sa cotte de mailles, il portait la livrée rouge et blanche de la maison de Montfort. Heureusement, il était encore trop loin pour me reconnaître. L’autre, grande et mince, se déplaçait avec une grâce presque féminine. Elle appartenait à un garçon que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam. À mon grand soulagement, toutefois, Simon de Montfort n’était nulle part.
    Je remontai un peu plus mon capuchon pour bien masquer mon visage et fis de nouveau face au marchand, perplexe.
    —    Qui est ce jeune homme ? m’enquis-je en feignant une banale curiosité.
    —    Le jeune seigneur Guy de Montfort, répondit-il. Le sieur de Pierrepont l’accompagne jusqu’à Gisors.
    —    Guy ? Un parent de Simon ?
    —    Son fils cadet. L’aîné, Amaury, est resté auprès de son père dans le Sud.
    Même devant moi, le monstre du Sud avait fait allusion à son épouse, se vantant de n’avoir jamais touché une autre femme. Je le revoyais fanfaronner alors qu’il s’apprêtait à laisser Raynal violer Pernelle. J’ai épousé dame Alice de Montmorency devant Dieu et les hommes voilà des années et, depuis ce jour béni, jamais ma verge n’a trempé ailleurs. Il coulait donc de source que le monstre se soit reproduit, mais pour une raison que j’ignore, la chose ne m’avait encore jamais effleuré l’esprit. Une nouvelle génération de cette famille maudite était un bien sombre augure.
    Je regardai par-dessus mon épaule et constatai que le jeune Montfort et son garde se rapprochaient dangereusement.
    —    Je dois te quitter, fis-je. Mes compagnons attendent leur vin et vont s’impatienter.
    —    Reviens quand tu voudras, dit le marchand. J’aime bavarder et une compagnie intelligente est chose rare, ces temps-ci.
    —    Tant que tu auras à manger et à boire, tu peux compter sur moi.
    Lorsque je fus à bonne distance, je m’immobilisai à l’écart, loin des feux, pour observer Montfort fils, qui achetait à son tour du vin au marchand. Il avait la haute taille, la chevelure de jais, le sourcil touffu et le nez fort de son père, mais il était beaucoup plus délicat, presque menu. Sa bouche aux lèvres fines formait une petite moue pulpeuse. Les mains qui tenaient l’outre étaient délicates et ses gestes, élégants. Surtout, il n’avait pas le menton

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