L'Etoffe du Juste
environs et en repéra une autre, près d’une charrette, qui s’activait, à genoux devant un soldat déculotté.
— Hé ! Adète ! Laisse celui-là ! J’en ai un ici qui paie beaucoup mieux !
La putain s’activa de plus belle, hâtant la jouissance de son client, qui ne sembla pas s’en plaindre si je me fiais au râlement nasillard qu’il émit. Lorsqu’elle eut terminé, elle cracha le résultat de son labeur sur le sol et abandonna l’homme sans autre forme de salutation pendant qu’il se reculottait, encore haletant. Souriante, elle vint rejoindre sa collègue en s’essuyant négligemment la bouche.
— Adète en vaut trois à elle seule ! m’informa fièrement ma putain.
— Bien, venez avec moi.
— Oh ? Tu organises une petite fête ?
— Si l’on veut.
En route, je leur expliquai ce que j’attendais d’elles. Une fois en vue du camp de Pierrepont, je leur désignai les hommes à livrée rouge et blanche qui étaient assis, bien tranquilles, autour du feu.
— Ces quatre-là seulement. Entendu ? Emmenez-les vers ce buisson, là-bas, et amusez-les bien.
Pour m’assurer de leur collaboration, je leur payai d’avance le fruit de leurs efforts, qu’elles empochèrent aussi vite que des gitanes.
— Tout ce que tu voudras, noble sire, roucoula Adète avant de s’éloigner avec sa comparse.
Je les laissai procéder et m’en allai rejoindre Ugolin.
— Alors ?
— Tout est arrangé. Vois toi-même.
Les deux filles de joie venaient de faire irruption dans le camp en ondulant des hanches, mais ignorèrent les avances des soldats de Pierrepont pour se diriger vers ceux que je leur avais indiqués. Les négociations furent brèves et trois des quatre soldats se levèrent. Contrarié, je constatai que celui qui me connaissait restait derrière.
— Il préfère peut-être les petits garçons, le bougre, dit le Minervois.
— Occupons-nous de ceux-là. Nous verrons après pour l’autre.
En badinant comme des coquettes, les puterelles entraînèrent
les soldats en direction de notre buisson. Nous tirâmes nos dagues et attendîmes, aux aguets. Lorsqu’elles furent sur place, elles remontèrent leurs jupes, s’allongèrent sur le sol et écartèrent les cuisses pour accueillir les deux premiers paillards, qui ne se firent pas prier et se mirent aussitôt à s’activer avec la frénésie de l’homme abstinent depuis trop longtemps.
— Aïe ! s’exclama l’une d’elles. On ne mord pas !
Attendant impatiemment son tour, le troisième observait les transports de ses collègues en se pourléchant et en se massant les génitoires pour les préparer à l’effort. En silence, je me glissai derrière lui, lui plaquai ma main infirme sur la bouche et lui enfonçai ma lame dans les reins. Il se cabra et émit quelques grognements qui furent couverts par les bruits de copulation, puis s’écroula. Sans attendre, Ugolin et moi fondîmes sur les deux autres et nous leur ouvrîmes le gosier, le sang giclant en abondance sur les garces qu’ils couvraient de leur poids. Nous tirâmes les cadavres et les jetâmes sur le sol. Puis je lançai une pièce supplémentaire aux filles.
— Vous avez été bien payées, leur dis-je. Maintenant, filez et oubliez ce que vous venez de voir.
Blêmes de terreur, Adète et son amie hochèrent énergiquement la tête, se relevèrent et s’enfuirent à toutes jambes sans demander leur reste.
— Pardieu, ricana le Minervois. M’est avis que cette expérience risque de leur avoir asséché la fendace pour un temps.
— J’en doute. Elles doivent gagner leur vie.
Nous empoignâmes les trois cadavres et, avec la plus grande discrétion possible, nous les traînâmes une centaine de toises plus loin. Je les fouillai et découvris sur l’un d’eux une bourse contenant quelques pièces que je transférai dans la mienne, qui se faisait dangereusement mince à force d’acheter des provisions et, maintenant, des ribaudes. Puis nous ramassâmes des branchages et les recouvrîmes.
— On va se demander où ils sont passés, nota Ugolin.
— Les hommes de Montfort sont pris dans le Sud depuis des années. Ils se meurent sans doute d’envie de retourner chez eux. On croira qu’ils ont déserté.
— Ouais. Peut-être.
— Rentrons. Demain, nous trouverons un moyen de nous occuper de l’autre.
La journée du lendemain me parut
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