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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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lisant sur son visage.
    —    Laisse-le.
    Il regarda l’homme à demi conscient, l’air d’un chien obéissant auquel on demande d’abandonner son os. Avec un regret évident, il le laissa tomber. Dans la lumière des feux, je ne pus m’empêcher d’admirer l’œuvre de mon compagnon. Le petit gros était en piteux état. Son nez ensanglanté tirait nettement sur la droite. Ses lèvres étaient fendues et le sang lui mouillait la barbe. Quelques-unes de ses dents avaient sauté. Ses yeux étaient presque complètement fermés par l’enflure. Il avait une spectaculaire bosse au front. Il se souviendrait longtemps de sa rencontre avec le colosse de Minerve.
    Un murmure de déception parcourut la foule, qui avait apprécié le spectacle et qui se dispersa aussitôt. J’empoignai mon ami par le bras et, tel un père contrarié tirant un fils pris en flagrant délit de mauvais coup, je l’entraînai vers notre camp, Pernelle sur nos pas. Je jetai le fromage et l’outre sur le sol, près du feu qui brûlait toujours, et le toisai, irrité.
    —    Pour la discrétion, j’ai vu mieux, lui reprochai-je.
    —    Ce mécréant a osé faire une proposition déshonnête à dame Pernelle, dit-il en s’examinant le poing, dont les jointures commençaient à enfler. Je n’allais tout de même pas le laisser impuni. Surtout après ce que la pauvrette a subi aux mains de ce chien de Raynal, ajouta-t-il entre ses dents.
    —    Ne lui en veux pas trop, Gondemar, dit mon amie d’un ton conciliant. Il dit vrai. Cette grosse chiure s’est planté devant moi, a extrait de ses braies un petit membre tout rabougri et m’a offert une pièce pour le. lui.
    —    Bon, bon, ça va. J’ai compris. Mais tout de même, Ugolin, tu aurais pu te maîtriser.
    —    Un comportement pareil, explosa-t-il, indigné. Envers une Parfaite !
    Puis il m’adressa un large sourire.
    —    Mais tu seras content de moi : je n’ai pas prononcé un seul mot !
    Malgré moi, je m’esclaffai et ma colère s’évapora.
    —    Gros bêta, ricanai-je, un jour, je te botterai le cul comme tu le mérites.
    —    D’ici là, cette rixe m’a ouvert l’appétit, dit le Minervois, en se frottant les mains.
    Il s’empara du fromage et parut déçu.
    —    Il n’y a pas de pain ?
    —    Désolé, c’est tout ce que j’ai trouvé. Ça et le fils de Simon de Montfort.
    —    Quoi ? firent Pernelle et Ugolin à l’unisson.
    Lorsque nous eûmes tous notre bout de fromage en main, je leur racontai ce qui s’était passé. L’eau potable étant une rareté, Pernelle fit exception et but quelques gorgées de vin. Après m’avoir entendu, ils émirent des hypothèses qui rejoignaient les miennes.
    —    Nous devrons redoubler de prudence, conclut Pernelle.
    —    Ou nous arranger pour en savoir davantage.
    Un plan prenait forme dans ma cervelle.
    —    Tu as un rasoir dans ton coffre ? m’enquis-je.
    —    Euh. oui, pourquoi ?
    —    Je te l’expliquerai pendant que tu me rases le crâne.
    —    J’ai l’air d’un barbier ? s’insurgea-t-elle.
    —    Tous les chirurgiens ne le sont-ils pas ? la taquinai-je avec le sourire.
    Pernelle finit par s’amuser fort en me rasant et gloussa comme la fillette espiègle de jadis. Ugolin, lui, se plaignit amèrement du traitement même s’il en comprenait la nécessité. Je leur fis part de ce que je planifiais.
    Comme nous étions parmi les croisés incognito, il s’agissait d’abord de nous assurer que nous ne serions pas reconnus. Pour cela, il était indispensable d’éliminer le soldat que j’avais aperçu en compagnie du jeune Montfort qui, lui, était en mesure de le faire. Nous arriverions bientôt en vue d’Orléans. Nous avions encore plusieurs jours de route avant Gisors et, sous le couvert de la nuit, il nous serait facile de l’occire sans nous faire prendre. Ensuite, je devrais en apprendre davantage sur les intentions de Pierrepont et du jeune seigneur. Pour cela, il me faudrait quitter la queue du convoi et me mêler aux soldats. Je devais donc être aussi méconnaissable que possible.
    Une heure plus tard, Ugolin et moi avions radicalement changé d’apparence. Au prix de quelques coupures, nous étions maintenant complètement chauves. Nous avions par contre pris soin de conserver nos barbes. Ainsi transformés, nous courrions peu de risques d’être reconnus.
    —    Cela vous donne un petit air teutonique,

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