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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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m’adressa le moindre regard, faisant comme s’il ne me connaissait pas. Il obéissait à l’ordre de son Magister élu et j’éprouvai encore plus de respect pour son courage et sa droiture.
    Du coin de l’œil, je repérai Ugolin qui, blotti dans la pénombre, observait la scène. Il brûlait sans doute d’intervenir, mais il se contenait. Je fus empoigné et remis sur mes pieds sans ménagement. Puis Jaume et moi fûmes rudement poussés jusqu’aux tentes, tous deux considérés comme des criminels. Un homme émergea de celle devant laquelle se trouvait le fanion rouge, blanc et jaune. De taille moyenne, au début de la quarantaine, il avait les cheveux châtains et longs, la barbe fournie striée d’un peu de gris au menton. De bonne carrure sans être un colosse, les nerfs bien visibles sous la peau, il était de toute évidence un soldat aguerri. Il portait un plastron orné des mêmes armes que le fanion devant la tente et, sur l’épaule, la croix latine rouge des croisés. Je sus, sans qu’on ait besoin de me le dire, que j’avais devant moi Alain de Pierrepont.
    D’un pas assuré, il s’avança vers Jaume, posa les poings sur ses hanches, releva le menton et le toisa d’un regard froid et inquisiteur. Le templier lui retourna une moue haineuse et ne baissa pas les yeux.
    —    Qu’avons-nous là ? demanda Pierrepont d’un ton égal en arquant le sourcil.
    —    Sire Guy s’était un peu éloigné et ce fripon a tenté de le tuer, expliqua avec empressement un des soldats. Il y est presque parvenu.
    Le regard de Pierrepont se porta sur le jeune Montfort, qui s’était relevé et balayait précieusement ses vêtements pour en retirer la poussière, l’air à la fois penaud et humilié. Il avait les yeux mouillés comme une donzelle. Une ombre de mépris passa sur le visage de Pierrepont.
    —    Ne t’avais-je pas dit de rester près des autres ? fit-il. Mordiable, ne comprends-tu rien, ni des oreilles, ni du cul ?
    —    Je. je désirais jouer du luth, sire Alain.
    —    Encore heureux qu’il ne t’ait pas étouffé avec les cordes de ton instrument, cracha Pierrepont en secouant la tête. Hors de ma vue !
    —    Oui, sire Alain, répondit l’autre, penaud, avant de s’éloigner, la tête basse.
    —    Bougre de cuide 3 . Fot-en-cul. marmonna Pierrepont pour lui-même en le regardant s’éloigner.
    Il se retourna vers Jaume.
    —    Qui es-tu ?
    Le templier le regarda droit dans les yeux et demeura coi, comme je le lui avais ordonné. Sans prévenir, Pierrepont le frappa du revers de la main et lui projeta la tête vers l’arrière. Puis il lui abattit un poing dans le ventre qui le plia en deux, le souffle coupé. Le Français lui remonta son genou au visage, faisant craquer le nez de Jaume, puis le saisit par la tignasse et lui releva la tête.
    —    Qui t’a ordonné de t’en prendre au jeune Montfort ?
    Jaume inspira profondément, se racla la gorge et projeta au visage de Pierrepont une glaire ensanglantée. Ce dernier l’essuya du revers de la main et lui enfonça son genou dans le bas-ventre. Cette fois, le templier gémit avant de vomir copieusement.
    —    Crois-m’en, tu me répondras tôt ou tard, dit calmement Pierrepont. À toi de décider combien de souffrance tu es disposé à endurer avant de le faire.
    Il s’adressa à un des soldats et désigna Jaume du menton.
    —    Fouille-le.
    L’homme s’exécuta, palpant les moindres recoins de la personne de Jaume. Il finit par lui retirer ses bottes et, de l’une d’elles, tira un fin cordon de cuir terminé par deux bouts de bois. Je reconnus l’instrument des Assassins d’Orient, dont Montbard m’avait jadis parlé. Comme je l’avais supposé, Jaume avait appris à tuer en Terre sainte. Le garde remit l’objet à Pierrepont qui l’examina, intrigué.
    —    Hmmm. Un étrangleur autant qu’un égorgeur. Attachez-le et mettez-le sous bonne garde, ordonna-t-il aux gardes. Trois hommes en permanence. Qu’il ne parle à personne. Je l’interrogerai moi-même dès notre arrivée à Gisors. Et, pour l’amour de Dieu, que quelqu’un donne de nouvelles braies à sire Guy. Je crois qu’il a mouillé les siennes.
    Quelques soldats laissèrent échapper un petit rire méprisant. Trois d’entre eux emmenèrent Jaume et Pierrepont se dirigea vers moi.
    —    Et lui ?
    —    Il a sauvé sire Guy, répondit le soldat. Lorsque nous sommes arrivés, il avait

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