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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Pierrepont, qui avait l’air fort amusé par toute cette folie.
    —    Approchez, toi et ton petit protégé, serina-t-il. Il est bon de voir griller un homme pour s’endurcir un peu.
    Je soutins le regard du seigneur et y lus un défi. Je sentis qu’un refus aurait des conséquences fâcheuses pour le jeune Montfort, et je ne pouvais me permettre ce risque. Bertrand de Montbard m’avait maintes fois répété qu’un guerrier doit savoir choisir ses batailles et je décidai de ne pas livrer celle-là. Je me tournai vers le jeune homme et hochai la tête pour lui faire comprendre qu’il était mieux avisé d’obtempérer. Il pâlit encore de quelques tons, mais s’avança avec moi vers le bûcher.
    Le soldat qui tenait la torche se pencha et allait allumer le brasier lorsque Pierrepont l’arrêta.
    —    Non !
    Confus, l’homme se figea sur place et regarda son seigneur, attendant ses directives.
    —    Donne-moi cette torche, ordonna Pierrepont.
    Le soldat obéit, visiblement soulagé de ne pas être celui qui devrait poser le geste fatal. Pensif, sire Alain considéra l’instrument, dont la flamme vacillait dans le vent et la neige. Puis il se retourna vers Guy et le lui tendit.
    —    Vous êtes le plus noble d’entre nous, sire, dit-il d’un ton faussement obséquieux. L’honneur vous revient. Allumez donc ce petit feu de joie qui réjouirait fort monsieur votre père.
    Autour de nous retentirent des ricanements mal étouffés. Se sachant coincé et ne souhaitant pas perdre la face une fois de plus, Montfort accepta la torche offerte d’une main tremblante. Puis il m’adressa un regard désespéré.
    —    Vous avez une mission à accomplir, sire, lui dis-je à voix basse. Si vous vous mettez toute cette troupe à dos, qui sait si vous arriverez jamais à Cahors. Et il y a des limites au nombre d’adversaires que je peux occire. Allumez et finissez-en.
    Résigné, il ravala, inspira pour se donner du courage et franchit les quelques pas qui le séparaient du bûcher. Pour m’assurer qu’il ne faillirait pas, je l’accompagnai. Il se planta devant et dévisagea Pierrepont, qui lui rendit un regard rempli de mépris et de défiance.
    —    Alors, jeune seigneur ? Vas-tu te décider ? le provoqua-t-il. Ce n’est pas plus difficile qu’enfoncer ton membre dans les fondements d’un autre mignon ! Il suffit de pousser un peu !
    Sire Guy resta là, tétanisé.
    —    Bougre de Dieu, allumez ! crachai-je entre mes dents en le poussant discrètement dans le dos.
    Il se pencha et allongea le bras. La flamme était à quelques doigts de la paille et des branchages secs. Puis sa main se mit à trembler de plus belle, comme s’il tentait de pousser la torche à travers un mur invisible. Me rappelant sa description du bûcher que son père avait organisé pour « mon » cadavre et du dégoût qu’il en avait éprouvé, je compris qu’il n’y arriverait pas. Je posai ma main sur la sienne et la poussai jusqu’à ce que le feu prenne.
    Au même moment, une bourrasque particulièrement violente souffla et emporta mon capuchon. La tête dénudée, je me relevai et trouvai les yeux de Gerbaut rivés sur moi.
    —    Toi ! fit-il d’une voix rauque qui, heureusement pour moi, ne portait guère.
    Je me raidis car, malgré le passage des ans, je sus que le vieux fou m’avait reconnu. Si je le laissais parler, il suffisait qu’il déclare que j’étais de Rossal pour que ma position se complique. Je ne pouvais pas simplement tirer mon épée et le mettre à mort sans qu’on se demande pourquoi j’étais si magnanime. J’arrachai la torche de la main de Guy et gravis le bûcher qui commençait à s’embraser.
    —    Tu es donc sorti de l’enfer, démon ? demanda-t-il, un étrange sourire déformant ses lèvres. N’avais-je pas raison ? N’es-tu pas damné ?
    Gerbaut inspira profondément et ouvrit la bouche pour hurler des imprécations qui ne pourraient que m’incriminer. Sans hésitation, j’y enfonçai la torche. Le prédicateur écarquilla les yeux et laissa échapper un terrible hurlement, étouffé par les braises qui lui rôtissaient la langue et le palais. Puis, la souffrance lui fit perdre conscience et il s’affaissa, retenu seulement par ses liens.
    Je redescendis sous les applaudissements des hommes de Pierrepont, qui appréciaient le spectacle. Je retournai auprès de Montfort et l’entraînai un peu plus loin, pendant qu’on me donnait de grandes

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