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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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retrouvé pour le regarder mourir !
    Nous restâmes là, impuissants, à aider Pernelle de notre mieux alors qu’elle luttait contre la mort. J’avais souvent vu mon amie dans cette attitude. La passion et la détermination qu’elle mettait à guérir autrui n’avait d’égal que le fait qu’elle connaissait les limites de ce qu’elle pouvait faire. Cette fois-ci, je savais qu’elle combattrait jusqu’au bout, abandonnant toute raison. Et mon impuissance me faisait rager. Cet enfant avait beau être le fruit de la violence et de la haine, il était la chair de sa chair et Pernelle l’aimait. Une fois déjà, alors que je venais à peine de la retrouver à Minerve et qu’elle m’avait ramené à la vie, j’avais dû lui annoncer sa mort, sans avoir le courage de lui avouer que j’étais celui qui l’avait causée. Voilà maintenant que je le lui ramenais seulement pour qu’elle en ait à nouveau le cœur brisé.
    La journée s’écoula au rythme des décoctions, des frictions et des cataplasmes appliqués avec la même frénésie. Avant que la lumière ne commence à faiblir à l’extérieur, je dus me résoudre à prendre congé de mes amis. J’étais le Magister des Neuf et, même si cela ne m’avait jamais autant déplu, j’avais une tâche à accomplir.
    —    Ma femmelette va prendre peur. Je reviendrai au matin si je le puis, dis-je en me retournant dans l’ouverture de l’abri. Si jamais.
    —    Nous trouverons le moyen de t’avertir, compléta Jaume.
    J’allais sortir lorsque la voix de Pernelle, traînante d’épuisement, m’arrêta.
    —    Gondemar ?
    —    Oui ?
    —    Merci. Quoi qu’il advienne, grâce à toi, j’aurai revu mon fils et j’aurai eu la chance de le traiter comme une mère doit le faire.
    La gorge serrée, je partis sans rien dire. Que pouvais-je répondre ? N’étais-je pas celui qui avait allumé un brasier en croyant que le garçon se trouvait à l’intérieur ?
    Lorsque je revins à Rossal, les bottes trempées après une longue marche dans une neige épaisse et mouilleuse, je me retrouvai en pleine tourmente. Il me fallut un moment pour sortir de ma stupeur et comprendre ce qui se passait. Sur la place, plusieurs villageois à l’air terrorisé étaient regroupés et encerclés par des soldats qui brandissaient leur arme. Je crus d’abord qu’ils avaient cédé à l’envie du pillage, mais j’eus beau chercher des yeux un butin, je n’en vis nulle part.
    Des cris attirèrent mon attention. Deux soldats sortaient d’une maison en tirant violemment une femme par les cheveux et par les manches de sa robe. Un autre avait chargé son enfant sur son épaule et le transportait comme un vulgaire sac de farine. Un peu partout, la même chose se produisit. Interdit, je m’immobilisai et tentai de comprendre ce que je voyais. La femme fut menée avec les autres et jetée à terre. Son enfant subit le même sort et atterrit durement dans la neige. Peu à peu, tous les villageois furent regroupés.
    Je remarquai, à l’écart de la place, un tas de bois qu’on avait accumulé en mon absence. Des bûches empilées transversalement sur plusieurs rangs, avec de la paille et des branchages entre chacun. Au centre s’élevait un poteau. Un bûcher. Devant se tenaient Brun et Guillot, les deux moines que j’avais vus le matin, l’air sévère et plein d’eux-mêmes. Chacun tenait une bible serrée contre sa poitrine. Parmi les soldats qui encerclaient les villageois, je repérai le jeune Montfort. Il était blême et avait l’air horrifié. Je m’en fus le retrouver, me frayant un chemin parmi les rangs.
    —    Par le croupion de Marie, qu’est-ce qui se passe ici ? m’enquis-je à voix basse une fois que je fus à sa droite.
    —    Si tu n’avais pas disparu toute la journée, tu le saurais, répondit-il sèchement, comme une femme jalouse, en ne tentant pas de masquer les reproches que son ton trahissait.
    —    Je voulais voir si les chemins étaient praticables, mentis-je. Alors ?
    —    Comme tu vois, ces deux moinillons se sont mis en tête de personnifier le bras vengeur de Dieu. Ils sont convaincus que ce village abrite une communauté d’hérétiques menés par ce vieillard dément et ont décidé de purger la Création de sa présence. Ils ont assiégé le sieur de Pierrepont et ont râlé jusqu’à ce qu’il cède.
    —    Ils vont le brûler ? demandai-je, médusé
    —    Que je sache, on ne

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