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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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pourpre très sombre. Il portait
des bijoux d’or autour du cou et des poignets. Une imposante bague incrustée de
pierres précieuses ornait sa main gauche. Elle étincelait dans la lumière
chaque fois qu’il levait sa coupe. Selon la rumeur, Metrobius avait été le
grand amour de Sylla, son compagnon et son ami tout au long de sa vie, malgré
les nombreux mariages et liaisons du dictateur. Sa jeunesse l’avait depuis
longtemps quitté. Mais sa grande crinière blanche conservait une incontestable
dignité et les rides de son visage créaient une sorte de beauté tranquille. Je
me souvins de cette nuit où je l’avais vu jouer pour Sylla. C’était dix ans
plus tôt. Je me rappelai le charme dégagé par sa seule présence. Alors même qu’il
ne s’intéressait qu’à Gelina, je pouvais sentir ce charme charismatique qu’il
exhalait, aussi palpable que les effluves de myrrhe et de rose qui parfumaient
son vêtement. Il exécutait chacun de ses mouvements avec une grâce innée. Sa
voix calme et posée avait une qualité apaisante, comme le bruit de la pluie une
nuit d’été ou le murmure du vent dans les arbres.
    En
dehors de ma présence et de celle d’Eco, nous avions là les hôtes typiques d’un
dîner dans une villa de Baia : un militaire et un patricien, une artiste
et sa protégée, un lettré et un architecte, un acteur et leur hôtesse. L’hôte
était absent – ou, plus exactement, il reposait sur sa bière d’ivoire,
en bas, dans l’atrium. Mais pour le remplacer, nous attendions l’homme le plus
riche de Rome. Cependant, Marcus Crassus n’avait pas encore daigné paraître.
    Au
regard d’une assemblée aussi étincelante, les discussions étaient étonnamment
décousues. D’un côté, Mummius et Faustus parlaient tranquillement des affaires
quotidiennes et de l’approvisionnement du camp de Crassus sur le lac Lucrin.
Plus loin, Olympias et Iaia échangeaient d’inaudibles murmures. Le philosophe
couvait des yeux sa nourriture, alors que l’homme d’affaires savourait chaque
bouchée. Perdus dans leurs bavardages, Gelina et Metrobius semblaient avoir
oublié les autres convives.
    Au
bout de quelque temps, le petit Meto entra et vint chuchoter quelque chose à l’oreille
de sa maîtresse. Elle hocha la tête et le renvoya.
    — Je
crains que Marcus Crassus soit dans l’impossibilité de nous rejoindre ce soir,
annonça-t-elle.
    Jusque-là,
j’avais pensé que la vague tension qui régnait dans la pièce était due à ma
présence ou à l’atmosphère funèbre de la villa. Mais, à cet instant, tout le
monde sembla pousser un soupir de soulagement collectif.
    — Est-il
retenu par ses affaires à Pouzzoles ? demanda Mummius, la bouche pleine d’oursins.
    — Oui.
Il me fait dire qu’il s’occupe de son propre dîner et qu’il rentre ensuite.
Nous n’avons donc plus besoin de l’attendre.
    Elle
fit un signe aux esclaves, qui débarrassèrent instantanément les amuse-gueules
et servirent les plats principaux : un ragoût de jambon et de pommes aux
cédrats, des boulettes de fruits de mer épicées de céleri et de poivre, et des
filets de poisson avec des poireaux et de la coriandre, le tout servi sur des
plateaux d’argent. Comme accompagnement, on nous apporta une soupe d’orge, de
chou et de lentilles, que nous consommâmes dans de petits bols d’argile.
    Progressivement,
les conversations s’animèrent. Le sujet principal était la nourriture. La mort
et les catastrophes latentes, l’ambition politique et la menace de Spartacus
étaient négligées au profit des mérites relatifs du lièvre et du porc. On
débattait du bœuf, pour le déclarer carrément immangeable. Faustus Fabius
estimait que les bœufs n’avaient aucune utilité, en dehors de leur peau. Le
philosophe Dionysius, qui parlait d’un ton sentencieux, prétendit que, dans le
Nord, les pirates préféraient le lait de vache au lait de chèvre.
    Sergius
Orata semblait avoir une connaissance experte du commerce des épices et d’autres
douceurs venant d’Orient. Il serait allé jusque chez les Parthes pour étudier les
potentialités du marché. Et sur l’Euphrate, on l’avait aimablement persuadé de
boire une boisson locale obtenue à partir d’orge fermentée. Les Parthes la
préféraient au vin.
    — Elle
avait exactement la couleur de l’urine, rit-il, et son goût !
    — Mais
comment le sais-tu ? As-tu l’habitude de boire de l’urine ? demanda
Olympias, en baissant

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