L'Étreinte de Némésis
Sylla. C’est comme ça
qu’il a eu sa villa. Quand Sylla est devenu dictateur, il a récompensé ses plus
fidèles partisans en leur distribuant les propriétés qu’il avait confisquées à
ses ennemis.
— Je
sais. Et je me souviens maintenant d’avoir vu Metrobius jouer.
— Je
n’ai jamais eu ce privilège, dit Mummius avec une intonation sarcastique. Tu l’as
vu interpréter Plaute ou l’une de ses propres créations ?
— Ni
l’un ni l’autre. Il rendait hommage à Sylla en jouant une saynète assez
lubrique. C’était il y a plusieurs années, lors d’une fête privée chez
Chrysogonus.
— Et
tu te trouvais là ?
Mummius
avait l’air sceptique à l’idée que je puisse pénétrer dans des cercles aussi
fermés et débauchés.
— Oh,
je n’étais pas invité. Vraiment pas invité. Mais que fait Metrobius ici ?
— C’est
un grand ami de Gelina. Ils peuvent bavarder des heures tous les deux,
notamment pour échanger des potins locaux. C’est en tous les cas ce que l’on m’a
dit. Entre nous, je suis incapable de rester plus de quelques minutes dans la
même pièce que lui.
— Tu
n’aimes pas Metrobius ?
— J’ai
mes raisons.
— Mais
tu ne le soupçonne pas du meurtre.
Mummius
fronça les sourcils.
— Laisse-moi
te dire une chose, Gordien. J’ai tué plus que mon compte, mais toujours
honorablement, au combat, tu comprends ? Mais quelle que soit la manière,
tuer, c’est tuer. J’ai tué avec un glaive. J’ai tué avec une massue. J’ai même
tué à mains nues. Je sais ce que cela fait de prendre la vie d’un homme.
Crois-moi : Metrobius n’aurait pas eu le courage nécessaire pour fracasser
le crâne de Lucius. Même s’il avait eu des raisons de le faire.
— Et
Zénon et Alexandros, les deux esclaves ?
— Cela
me semble très improbable.
— Mais
pas impossible ?
Il
haussa les épaules.
— Donc,
résumai-je, nous savons que ces personnes se trouvaient dans la maison la nuit
du meurtre. Dionysius, le résident permanent ; Sergius Orata, l’homme d’affaires
de Pouzzoles ; et l’acteur en retraite Metrobius. Iaia l’artiste et
Olympias son élève sont souvent ici. Mais ce n’était pas le cas cette nuit-là.
— À
ma connaissance, c’est bien cela. Et, selon leur dire, toutes les personnes
présentes étaient seules et endormies dans leur lit. Elles affirment ne pas
avoir entendu quoi que ce soit, et c’est parfaitement vraisemblable, vu la
distance qui sépare les pièces. Et tous les esclaves disent pareillement n’avoir
rien entendu. C’est aussi plausible ; leurs quartiers sont de l’autre côté
des écuries.
— Mais
il y a au moins un esclave qui monte la garde, la nuit, dis-je.
— Oui,
mais dehors, pas à l’intérieur de la villa. Il est censé effectuer un circuit,
garder un œil sur la route devant la maison et l’autre sur la côte. On sait que
des pirates ont déjà attaqué certaines villas du littoral, même si ce n’est
jamais arrivé à Baia. Quand les esclaves se sont enfuis, le veilleur devait
être ailleurs. Il n’a rien vu.
— Bon,
mais finalement soupçonnes-tu quelqu’un ? Un des résidents de la villa ?
Un invité de Gelina ? Quelqu’un qui, selon toi, aurait plus de chances d’être
l’assassin que les esclaves ?
En
réponse, il se contenta de hausser les épaules et de grimacer.
— Je
te pose cette question, Mummius, parce que je me demande vraiment pourquoi tu
dépenses tant de temps et d’énergie à aider Gelina pour prouver l’innocence de
ses esclaves.
— J’ai
mes raisons, répondit-il sèchement, le regard perdu droit devant lui.
Il
éperonna sa monture et s’élança seul vers la villa.
Deuxième partie
Dans la gueule d’Hadès
1
Le dîner commença à la
douzième heure du jour [30] , juste après le coucher du soleil. La pièce était
modestement meublée. Elle se trouvait à l’étage dans le coin sud-est de la
maison. Les fenêtres donnaient sur Pouzzoles à l’est et le Vésuve plus au sud.
Une équipe d’esclaves s’activait discrètement dans la pièce et le vestibule
adjacent. Ils allumaient des braseros pour lutter contre la légère fraîcheur de
l’air et des lampes pour illuminer les murs somptueusement peints. Il n’y avait
pas un souffle de vent, pas un chant d’oiseau. Comme un lointain soupir, le
vague murmure de la mer était le seul bruit qui parvenait du monde extérieur.
Par la
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