L'Étreinte de Némésis
timidement son visage.
Une
mèche de cheveux blonds lui tomba sur l’œil. Iaia la regarda de biais, en
contenant un sourire. Le crâne rose d’Orata rosit, tandis que Mummius riait
bruyamment.
— Mieux
vaut de l’urine que des haricots ! s’exclama Dionysius. Vous connaissez le
conseil de Platon : il faut se préparer chaque nuit pour le royaume des
rêves avec un esprit pur.
— Et
quel rapport avec les haricots ? demanda Fabius.
— Vous
devez connaître l’opinion des pythagoriciens. Les haricots produisent d’importantes
flatulences, ce qui crée une situation conflictuelle avec une âme en quête de
vérité.
— Vraiment ?
Comme si c’était l’âme et non le ventre qui se remplit de vent ! s’exclama
Metrobius.
Puis
il se pencha vers moi et à voix basse :
— Ces
philosophes… Aucune idée n’est trop absurde pour eux. Et celui-là est
certainement un sac à vent, mais je pense que dans son cas tout le vent sort de
sa bouche et pas d’ailleurs !
Gelina
paraissait indifférente tant aux propos crus qu’aux doctes commentaires. Elle
mangeait en silence, piochant sans arrêt de la nourriture et réclamant plus
souvent du vin frais dans sa coupe que n’importe quel autre convive.
Metrobius
voulut m’éclairer sur les différences entre la cuisine de Rome et celle de
Baia.
— Sur
les marchés, ici, on trouve naturellement une très grande variété de produits
de la mer frais et de nombreuses spécialités marines totalement inconnues à
Rome. Mais les vraies différences sont beaucoup plus subtiles. Par exemple,
tous les cuisiniers vous diront que les meilleures marmites sont faites avec
une argile spéciale, que l’on ne trouve qu’autour de Cumes.
« A
Rome, de tels pots sont précieux et difficiles à remplacer, mais ici, même le
pêcheur le plus humble en possède un. Et ainsi nous avons toute une cuisine
paysanne aussi sublime que simple. Cette soupe d’orge, par exemple. Ensuite, il
y a nos célèbres haricots verts de Baia, les plus tendres et les plus doux du
pays. Le cuisinier de Gelina concocte un plat de haricots verts, de coriandre
et de ciboulette hachée idéal pour une bacchanale. Ah, mais les esclaves ont
commencé à débarrasser les plats, ce qui signifie que le second service va
arriver.
Les
esclaves revinrent, portant des plateaux d’argent qui étincelaient à la lumière
des lampes. Ils déposèrent sur nos tables des poires cuites, fourrées de
cannelle, des châtaignes grillées et du fromage assaisonné au jus de baies
fermentées.
— C’est
vraiment dommage que Marcus Crassus ne soit pas là pour une telle fête, dit
Metrobius, prenant une poire fourrée et humant son arôme. Naturellement, si
Crassus avait été présent, le seul et unique sujet de discussion aurait été la
politique, rien que la politique.
Mummius
lui jeta un regard noir :
— Sujet
dont certains ignorent tout. Si on parlait de politique, ceux-là pourraient se
taire pour changer.
Il
écrasa une châtaigne dans sa bouche et se lécha les lèvres.
— Barbare,
marmonna Metrobius à voix basse. Les manières d’un Barbare.
— Que
dis-tu ? gronda Mummius, prêt à bondir.
— Je
dis que tu as les bonnes manières d’un fermier. Ta famille possède encore des
fermes, n’est-ce pas ?
L’officier
se rassit lentement, l’air sceptique.
— Nous
devrions peut-être parler d’un sujet que nous connaissons tous, suggéra
Metrobius. Pourquoi pas l’art ?
Iaia
et Olympias le créent, Dionysius le contemple, Orata l’achète. Est-ce vrai,
Sergius, qu’un des Cornélius a demandé un nouveau bassin pour ses poissons, à
Misène ?
— C’est
vrai, répondit Orata.
— Ah !
ces propriétaires de villas et leur amour des bassins décoratifs. Il faut voir
comment ils chérissent le moindre de leurs mulets barbus. J’ai entendu parler
de sénateurs qui donnaient un nom à chacun de leurs poissons et qui les
nourrissaient à la main depuis l’enfance. Et quand les mulets sont grands, ils
ne supportent pas l’idée de les manger.
Gelina
sourit enfin.
— Oh !
arrête, Metrobius. Personne n’est stupide à ce point.
— Oh
que si ! On m’a dit que ces Cornélius voulaient absolument entourer leur
nouveau bassin de belles statues. Pas pour le plaisir de leurs invités humains,
mais pour l’instruction de leurs poissons.
— Absurde !
gloussa Gelina.
Elle
vida sa coupe, puis la leva pour qu’un esclave la remplisse.
Gelina
devint
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