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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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fenêtre sud, je vis une étoile solitaire scintiller au-dessus du Vésuve
dans un ciel profond. Une discrète atmosphère de luxe envahissait la maison,
cette sensation particulière de confort caractéristique des maisons des riches
au crépuscule.
    Déjà
allongée sur son divan, Gelina accueillait ses invités à mesure qu’ils
arrivaient, seuls ou en couple. Tous étaient habillés de noir ou de bleu foncé.
Onze personnes étaient prévues pour le dîner. Un grand nombre pour un repas,
mais Gelina avait fait disposer les divans en carré. Devant chaque divan, les
petites tables étaient déjà dressées, garnies de coupes de vin doux, d’olives
noires et vertes, et comme amuse-gueules des oursins au cumin.
    Iaia
et sa protégée Olympias, voisines de Dionysius, étaient assises à l’opposé de
Gelina. Marcus Mummius, Faustus Fabius et Sergius Orata se trouvaient à sa
droite. Et nous, avec l’acteur Metrobius, à sa gauche. Gelina nous présenta
simplement comme Gordien de Rome et son fils, sans davantage d’explications. D’après
l’expression de leur visage, je devinai que les invités avaient déjà quelque
idée sur les raisons de ma présence. Dans leurs yeux, je lus plus ou moins de
scepticisme, de suspicion ou d’indifférence.
    Dans
sa stola d’un noir de jais, avec ses bijoux d’argent et sa volumineuse coiffure
magenta (probablement teinte), Iaia attirait les regards. Dans sa jeunesse,
elle avait indéniablement été d’une grande beauté. Aujourd’hui, elle exhalait
cette subtile et consciente séduction des femmes qui ont perdu leur jeunesse,
mais pas leur charme. Ses hautes pommettes étaient généreusement fardées, ses
sourcils épilés et artistement dessinés.
    Iaia
me lançait des regards froids, alors que sa jeune protégée, une blonde
éblouissante, me dévisageait impudemment, comme si ma présence était une sorte
d’affront. Olympias pouvait se permettre de jouer négligemment de sa beauté :
sa chevelure s’épanouissait, pareille à une crinière de fils d’or et d’argent à
la lumière des lampes. Ses yeux étaient d’un bleu étincelant rehaussé d’ombres
violettes. Le moindre maquillage – si tant est qu’elle en utilisât
parfois – aurait semblé pâle et vulgaire sur cette peau parfaite. Sa
stola était d’un bleu sombre, toute simple. Plus simple même que les tuniques
qu’Eco et moi portions, car elle n’avait ni bordure, ni discrète broderie.
Olympias ne portait aucun bijou.
    Dionysius
était un vieil homme décharné à la barbe grise et à l’expression hautaine. Tout
en piochant quelques olives de la main gauche, il m’observait de son regard
fuyant. Pendant la première partie de la soirée, il resta quasiment silencieux,
comme s’il tenait ses mots en réserve pour une autre occasion. Il me donnait l’impression
d’un homme gardant un secret. Mais peut-être était-ce simplement dû à l’air
suffisant qu’il affectait… comme tant d’autres philosophes.
    Le
visage aigre et réservé de Dionysius offrait un contraste saisissant avec celui
de l’ingénieur et homme d’affaires local, qui se trouvait à côté de lui. Orata
était presque chauve. Seule une vague frange de cheveux orange ornait son front
comme une couronne de victoire. Il avait la corpulence des hommes que les
réussites ont engraissé. Son visage potelé et enjoué faisait presque déplacé au
milieu de la morosité ambiante. Quand il regarda de mon côté, je fus incapable
de dire s’il m’appréciait d’emblée ou s’il me souriait habilement pour
dissimuler une autre réaction. Mais, pour l’essentiel, il ne me prêtait pas
vraiment attention, trop occupé à donner des ordres aux esclaves qui lui
avaient été attribués. Il fallait qu’ils lui dénoyautent ses olives, qu’ils
aillent lui chercher de cette sauce au cumin, et ainsi de suite.
    Le
vieil acteur Metrobius, allongé à ma droite, m’adressa un petit signe de tête
lorsque Gelina me présenta. Puis il se retourna aussitôt vers elle. Il était
couché sur le flanc droit ; elle, sur le flanc gauche. Leurs têtes étaient
donc toutes proches. Ils pouvaient tranquillement se parler à voix basse. De
temps en temps, Metrobius tendait la main et prenait celle de son amie, comme
pour la rassurer. Sa longue robe flottante le couvrait de la tête aux pieds. A
première vue, le lin finement tissé paraissait d’un noir funèbre mais, à bien y
regarder, je constatai qu’il s’agissait d’un

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