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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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typiquement thrace et a tué son maître. Alors les deux esclaves ont fui
dans la nuit et ont été engloutis par Hadès. Voilà, j’ai fait ton travail,
Gordien. Tu peux aller te coucher satisfait.
    Au
ton de sa voix, je compris que Crassus entendait avoir mis un point final à la
discussion. J’étais devant la porte, prêt à pousser la poignée, quand ma main s’immobilisa.
Depuis l’instant où j’étais entré dans cette pièce, quelque chose m’avait troublé.
La sensation était si vague, que je l’avais sans arrêt repoussée, comme on
chasse un grain de poussière. Mais maintenant, je savais ce que c’était. Et je
n’avais cessé de l’avoir sous les yeux, tout le temps que j’écoutais Crassus et
que je promenais mon regard dans la pièce.
    Je
me précipitai vers l’Hercule.
    — Marcus
Crassus, un garde est-il resté dans cette pièce pendant la journée ?
    — Bien
sûr que non. Mes gardes du corps m’accompagnent en permanence. La pièce était
vide, pour autant que je le sache. D’ailleurs je suis le seul à avoir des
raisons valables d’aller dans cette bibliothèque.
    — Mais
quelqu’un pourrait être entré.
    — Peut-être.
Pourquoi cette question ?
    — Marcus
Crassus, as-tu parlé à quelqu’un du sang sur cette statue ?
    — Non.
Pas même à Morphée, dit-il avec lassitude, que j’ai fini par rencontrer tard
dans la nuit.
    — Pourtant
quelqu’un était au courant. Depuis notre entretien d’hier soir, quelqu’un est
venu effacer le sang séché qui se trouvait sur la crinière du lion.
    — Quoi ?
    — Regarde.
La nuit dernière, des traces de sang étaient encore emprisonnées dans les
rainures. Quelqu’un les a délibérément et soigneusement frottées pour les faire
disparaître. Regarde : on voit très bien les endroits où le métal a été
récemment gratté.
    Il
pinça les lèvres.
    — Et
alors ?
    — La
pièce n’a pas été nettoyée depuis un moment. J’aperçois de la poussière sur les
étagères, et là une coupe a laissé un cercle de vin sur la table. La trace n’est
pas récente. Il serait invraisemblable qu’un esclave soit venu nettoyer aussi
soigneusement cet objet précis et néglige tout le reste de la salle. Surtout à
un moment où il y a tant de travail pour les funérailles. En outre, je pense
que n’importe quel domestique aurait su comment nettoyer cette statue sans
rayer le métal. Oui, j’en suis certain. Quelqu’un est venu ici pour effacer
précipitamment les traces de sang. Il ignorait que nous l’avions déjà repéré et
voulait nous empêcher de le voir. Ce « quelqu’un » n’est pas
Alexandros et, en tous les cas, n’est sûrement pas Zénon. J’en déduis qu’il y a
ici, parmi nous, quelqu’un qui s’efforce de supprimer toute trace du meurtre ;
soit l’assassin de Lucius Licinius, soit une personne qui sait quelque chose.
    — Possible,
admit Crassus, d’un ton las.
    — Marcus
Crassus, je pense qu’il serait judicieux de placer un garde dans cette pièce en
permanence. Il faut s’assurer que rien d’autre ne soit pris ou modifié à notre
insu.
    — Si
tu veux. Et maintenant, y a-t-il encore autre chose ?
    — Non,
rien, Marcus Crassus, dis-je tranquillement.
    Je
quittai la pièce à reculons, m’inclinant avec respect.

3
    Pourquoi
toi ? demanda Eco, en exprimant le doute par une mimique.
    A
peine levé, je venais de lui raconter ma conversation de minuit avec Crassus. J’interprétai
ainsi sa question : Pourquoi un si grand homme s’est-il autant confié à un
homme comme toi ?
    — Et
pourquoi pas ? répondis-je en me passant de l’eau fraîche sur le visage. A
qui d’autre pourrait-il se confier dans cette maison ?
    Eco
releva les épaules pour suggérer une forte carrure et avec les mains il
esquissa la forme d’une barbe.
    — Marcus
Mummius est son vieil ami et son confident, c’est vrai, mais en ce moment ils
sont en conflit à cause de l’esclave Apollonius.
    Eco
redressa fièrement la tête et dessina dans l’air des mèches de cheveux tombant de
son front.
    — Oui,
il y a Faustus Fabius, mais je ne peux pas imaginer Crassus montrant sa
faiblesse à un patricien, surtout à un patricien qui est aussi son subordonné.
    Avec
ses bras, Eco forma un cercle devant lui et gonfla ses joues. Je secouai la
tête.
    — Sergius
Orata ? Non. Crassus aurait encore moins envie de montrer sa faiblesse à
un homme d’affaires qui, de plus, est son associé. Il aurait pu

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