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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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choisir un
philosophe, mais si Crassus en a un dans sa clientèle, il l’a laissé à Rome, et
il méprise Dionysius. Donc Crassus a désespérément besoin de quelqu’un, de n’importe
qui, pour l’écouter. Le doute l’assaille heure après heure, à chaque instant.
Il n’y a pas que la décision d’attaquer Spartacus qui le trouble. Au fond de
lui, il se demande s’il a raison de faire massacrer tous les esclaves de
Gelina. Crassus aime les décisions claires, il aime un décompte précis des
profits et pertes. Le passé le hante. Maintenant il s’engage dans un avenir
sombre et incertain. C’est un terrible pari qu’il prend, mais l’enjeu en vaut
la peine. S’il gagne, il deviendra si puissant que personne ne pourra plus
jamais lui nuire.
    « Alors
pourquoi ne pas tout dire à Gordien le Limier, qui recueille les confidences de
tout le monde ? De plus, ma discrétion est légendaire. Tout le monde sait
que je tiens aussi bien ma langue que toi.
    Eco
prit de l’eau dans ses mains et m’éclaboussa.
    Je
ne sais pourquoi, il y a des personnes, proches ou pas, à qui on livre aisément
ses secrets les plus intimes ; j’en fais partie. Je me regardai dans le
miroir. Si ce pouvoir de recueillir les révélations des autres résidait dans
les traits de mon visage, je ne voyais rien. C’était un visage quelconque,
pensais-je, avec un nez donnant l’impression d’avoir été cassé – ce
qui n’était pas le cas –, des yeux marron parfaitement communs et des
boucles noires tout aussi ordinaires, au milieu desquelles venaient se glisser
des fils d’argent toujours plus nombreux chaque année.
    Aussi
paradoxal que cela puisse paraître, il n’y a rien de plus vivant qu’une maison
romaine un jour de funérailles. La villa était pleine d’invités, qui
envahissaient l’atrium et les couloirs. Ils se répandaient jusque dans les
bains. Tandis que le barbier nous rasait, des étrangers nus se détendaient au
bord des bassins. Venant d’endroits aussi éloignés que Capoue ou que l’autre
versant du Vésuve, ils se rafraîchissaient après une rude chevauchée matinale.
D’autres avaient traversé la baie en bateau depuis Sorrente, Stabia et Pompéi.
Après mes ablutions je me dirigeai vers la terrasse des bains. M’approchant de
la balustrade, je regardai du côté de l’abri à bateaux. La jetée était trop
modeste pour un tel trafic. Les petits voiliers et les barges devaient s’amarrer
les uns aux autres. Ainsi, les derniers arrivés étaient contraints de parcourir
une ville flottante d’embarcations avant de parvenir au débarcadère.
    Drapé
dans une grande serviette, Metrobius me rejoignit sur le balcon.
    — Lucius
Licinius était manifestement populaire, dis-je.
    — N’imagine
pas qu’ils viennent simplement pour le pauvre Lucius. Non, tous ces riches
marchands, propriétaires ou nobles en vacances sont ici pour une tout autre
raison. Ils veulent se faire voir de tu sais qui.
    Il
regarda du côté de la piscine chauffée. L’esclave Apollonius aidait un vieil
homme à sortir de l’eau.
    — J’ai
dû jouer des coudes à travers toute la maison pour arriver jusqu’ici. L’atrium
est déjà si encombré que j’ai eu toutes les peines du monde à le traverser. On
aperçoit du noir partout. Je n’en ai pas vu autant en un seul endroit depuis la
mort de Sylla à Pouzzoles. Mais j’ai noté, dit-il en fronçant le nez, que la
plupart des visiteurs prenaient bien garde de ne pas s’approcher du corps.
    Il
rit doucement.
    — Certains
murmurent déjà des plaisanteries. Généralement cela ne commence pas avant la
fin de la cérémonie.
    — Des
plaisanteries ?
    — Bah !
tu sais, ils s’avancent vers le corps, regardent dans la bouche, puis soupirent :
« Tiens, l’obole est encore là ! Vous vous rendez compte, alors que
Crassus est dans la maison ! » Oh ! mais ne va pas lui répéter
ça, ajouta-t-il rapidement. Ou au moins ne lui dis pas que c’est de moi que tu
le tiens.
    Il
s’éloigna avec un sourire forcé. Apparemment, il ne se rappelait plus avoir
lui-même fait cette plaisanterie la veille devant moi.
    Je
jetai à nouveau un coup d’œil par-dessus le balcon. Comment allais-je faire
pour fouiller les alentours de la passerelle et découvrir ce qui avait été
immergé avec tous ces bateaux amarrés ? La plupart des rameurs restaient
dans leur embarcation ou se promenaient autour de l’abri, en attendant que leur
maître

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