L'Étreinte de Némésis
tristement la tête.
— Tous
les hommes doivent mourir un jour. Pourquoi cette idée te choque-t-elle tant ?
La richesse et les biens, la joie et la douleur, même le corps – surtout
le corps – tout finit par disparaître, à la longue. L’honneur est au
bout du compte la seule chose qui importe. Ou le déshonneur.
Une
telle philosophie résume toute la différence entre les nobles et les gens
ordinaires, pensai-je. Elle excuse les atrocités les plus horribles et laisse
passer les occasions de montrer un peu de charité ou de pitié.
— Mais
tu es probablement venu ici pour une bonne raison, dit Crassus. A moins que tu
n’écoutes simplement aux portes. As-tu quelque chose à me dire, Gordien ?
— Nous
avons trouvé le corps de l’un des deux esclaves disparus.
— Vraiment ?
Il
leva un sourcil.
— Lequel ?
— Le
vieux secrétaire, Zénon.
— Où
donc ? Mes hommes ont fouillé la moindre cachette dans un rayon d’une
journée à cheval.
— Il
était parfaitement visible. Ou tout au moins ce qu’il en restait. Il a fini ses
jours dans le lac Averne. Nous avons retrouvé ses restes sur le rivage. Son
visage était encore suffisamment reconnaissable pour qu’Olympias l’identifie.
— L’Averne !
Je sais qu’avant de partir pour Rome Mummius a envoyé un groupe fouiller tout
le secteur du lac, y compris ses rives. Combien de temps Zénon est-il resté là ?
— Au
moins plusieurs jours.
— Alors
ils l’ont manqué. L’un des soldats a dû voir un nuage prendre la forme de sa
défunte épouse ou le lac s’est mis à vomir comme un bébé qui a la colique.
Alors, ils ont tourné les talons et se sont mis à courir. Ils ont donc menti en
disant qu’il n’y avait rien. Ils vont être punis. Avant le début des combats,
les soldats doivent apprendre à respecter mon autorité.
Il
se tourna, las, vers la table et fouilla au milieu des documents éparpillés. Il
trouva une tablette de cire et un stylet. Après avoir griffonné une note, il
jeta la tablette sur la table.
— Et
maintenant, où est le corps de Zénon ou ce qu’il en reste ?
— Il
en restait vraiment très peu, comme je te l’ai dit. Malheureusement, mon fils
Eco a glissé dans la vase alors qu’il portait la tête. Elle est tombée dans une
mare en ébullition…
Je
haussai les épaules. Je ne savais pas vraiment pourquoi j’avais menti.
Instinctivement je préférais ne pas attirer l’attention sur Olympias.
— Veux-tu
dire que tu n’as rien à me montrer ?
Crassus
parut soudain à bout de patience.
— Toute
cette affaire est absurde. Tu ferais mieux d’aller te coucher maintenant.
— Tu
as raison.
Je
me levai et m’apprêtai à sortir lorsque brusquement je m’arrêtai.
— Encore
une chose, si tu me permets d’abuser de ta patience encore un instant. Je vois
que tu examines les documents de Lucius Licinius.
— Oui ?
— Je
me demandais si tu n’étais pas tombé sur quelque chose de… de louche ?
— Qu’entends-tu
par là ?
— Je
ne suis pas sûr. Quelquefois, les archives peuvent révéler des choses
inattendues. Peut-être y a-t-il quelque chose dans ces documents qui a un lien
avec ma propre enquête.
— Je
ne vois pas. La vérité, c’est que Lucius tenait impeccablement ses registres. C’est
ce que je lui demandais. Quand je suis venu ici au printemps, j’ai consulté ses
livres de comptes. Tout y était mentionné, selon la méthode que j’avais
prescrite. Maintenant c’est un vrai casse-tête.
— Dans
quel sens ?
— Certaines
dépenses sont inscrites, mais sans la moindre explication. Je trouve des
informations contradictoires concernant la Furie , sa fréquence d’utilisation,
ses missions… Et encore plus étrange : certains documents semblent
manquer. J’ai d’abord cru pouvoir m’y retrouver. Mais je dois avouer mon
impuissance. Si j’avais su, j’aurais amené avec moi mon chef comptable de Rome.
Mais je n’aurais jamais pu imaginer que les affaires de Lucius se trouvaient
dans un tel état.
— Et
tu as trouvé quelque chose d’intéressant ?
Il
me regarda, perplexe, puis renifla.
— Avec
toi, tout a un rapport avec le meurtre. Je pense à une chose : le vieux
secrétaire Zénon avait mis tous ces registres dans un tel désordre que Lucius
voulut probablement le réprimander durement, en le battant peut-être. Voyant
cela, le jeune garçon d’écurie, le bouillant Alexandros, est entré dans une
rage
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